Entrevista a Jean-Pierre Petit por Godelieve Van Overmeire 

Descripción

Entrevista a Jean-Pierre Petit por Godelieve Van Overmeire

 

Godelieve    Van    Overmeire 

 

 

INTERVIEW                        TO                  JEAN – PIERRE PETIT

 

 

Article extrait du magazine «Incroyable et Scientifique» n° 11, janvier – février 1997, p. 55)

L’auteur de l’article nous a faxé son autorisation pour sa diffusion sur Internet. Vous pouvez également charger la version Word 6.0 de ce texte, mais sans les images : jppis11f.zip (17 Ko).

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Interview de : Jean-Pierre Petit, Directeur de Recherche.

 

OVNIS : Phénomène de rumeur ou problème scientifique ?

 

Jean-Pierre Petit est directeur de Recherche, mais tient à préciser qu’il s’exprime ici en son nom propre et non au nom de son laboratoire d’affectation.

 

Incroyable : Merci d’avoir consenti à donner une seconde interview pour notre revue.

Jean-Pierre Petit : C’est simple, aucune autre revue ne me permettait de m’exprimer dans ses colonnes. Nous avons déjà abordé ce thème dans un de vos numéros. Je vais aborder d’autres aspects. Et je ne vois pas pourquoi s’imposer une quelconque censure sur ce point. Mais il y a vraiment des choses qui défient l’imagination. Je ne parle pas seulement de l’approche-science.

Aussi, vais-je quelque peu bouleverser l’ordre que je comptais aborder. Cet été, il s’est passé un fait extrêmement déconcertant. En tant que scientifique, c’est une des choses qui m’a le plus décontenancé. Dans un ouvrage paru déjà il y a quelques années, intitulé “Enquête sur des extraterrestres qui sont déjà parmi nous” (le titre avait été imposé par Albin Michel), je m’étais senti tenu de rapporter certains évènements auxquels j’avais été mêlé. Mais on sort alors de la démarche purement scientifique.

Ces évènements ne valaient que par mon propre témoignage.

Or, un témoignage est toujours sujet à caution, y compris le sien propre. J’avais donc regroupé ces évènements sous la rubrique “souvenirs ou rêves”.

 

  1. : A quels évènements faisiez-vous allusion ?

J.P. P. : Depuis 1975, je m’étais mêlé au “réseau Ummo”.

 

  1. : Qu’est-ce que le réseau Ummo ?

J.P. P. : En 1967, des espagnols avaient commencé à recevoir des courriers signés par des auteurs qui prétendaient venir d’une autre planète, qu’ils appelaient Ummo, et dont ils disaient qu’elle était située à 15 années-lumière de la nôtre.

 

  1. : Quelle avait été votre réaction quand vous étiez tombé sur ces premières lettres, écrites en espagnol, et tapées à la machine ?

J.P. P. : N’importe qui peut utiliser une machine, écrire une lettre et la poster. Ce qui m’avait intrigué, c’était le contenu scientifique et technique de ces lettres. J’ai, en fait, publié deux ouvrages.  Le premier, je l’ai déjà cité. Le second est “Le Mystère des Ummites”, paru également chez Albin Michel. Qui lira ces deux livres, réalisera que cette affaire est loin d’être simple et que cette démarche, en 20 années, a été jalonnée d’une kyrielle de publications scientifiques de haut niveau.

 

  1. : Une farce ?

J.P. P. : Ou c’est un authentique contact avec des extraterrestres, distillant des connaissances très sophistiquées, dont la valeur a pu être démontrée en les convertissant en publications scientifiques, ou c’est une farce de très haut niveau, alors incompréhensible.

 

  1. : Et cela dure depuis combien de temps ?

J.P. P. : L’an prochain, cela fera 30 années. C’est beaucoup, pour une farce.

Le dernier courrier a été reçu en Espagne, le 15 juillet dernier.

 

  1. : Seuls les espagnols reçoivent ces lettres et rapports ?

J.P. P. : Non, je me suis mis à en recevoir aussi, à partir de 1991.

 

  1. : Vous parliez d’évènements…

J.P. P. : En 1988, les espagnols m’ont appelé. Ils disaient avoir reçu une lettre et des appels téléphoniques, où leurs mystérieux correspondants demandaient que nous venions à Madrid à une date précise, Jean-Jacques Pastor et moi. Pastor, bilingue, avait traduit pour moi les milliers de pages de textes reçus depuis 1967.

Nous nous sommes donc rendus à Madrid. Je me rappelle que c’était le jour de l’anniversaire de la mort de Franco. Nous avons été logés dans un hôtel de luxe, l’hôtel Sandvy, où devait se tenir une réunion avec des contactés espagnols.

 

  1. : Alors, que s’est-il passé ?

J.P. P. : La réunion ne devait se tenir que le surlendemain. Les espagnols nous ont demandé d’attendre dans notre chambre d’hôtel. Ce que nous avons fait. Il y a d’abord eu un fait qui semblait insignifiant, mais qui m’avait intrigué.

J’avais, à l’époque, un blouson de daim marron, tout neuf. J’ai trouvé sur mon revers, une gouttelette de ce qui ressemblait à de la laque de couleur ivoire. J’ai essayé de l’enlever avec les ongles, mais sans succès. Elle était incrustée dans la peau. Je me suis dit “j’ai dû passer sous un échafaudage, prendre une goutte de peinture. Inutile de faire un trou. Quand je serai rentré chez moi, je n’aurai qu’à l’écraser avec des pinces, et elle tombera en poussière…”. Ça, c’est un fait dont je suis absolument sûr. Le lendemain, il y a eu une réunion à l’hôtel, à laquelle assistaient une trentaine de personnes.

 

  1. : Qu’y a-t-il eu d’autre ?

J.P. P. : Il y avait les contactés principaux. Rafael Farriols, Dominguez, Barranechea et le docteur Aguire. Ils ont lu des textes que leurs correspondants, les Ummites, leur avaient envoyés.  Il y a eu ensuite une réunion plus intimiste, menée par Jordan Peña, dans les salons de l’hôtel. Il y avait de nombreuses tables disponibles, mais Peña avait insisté pour que la réunion ait lieu à un endroit et non un autre, et que Pastor et moi soyons assis à des places bien précises. Cela m’avait surpris. Pastor avait posé son chapeau sur une table, entre nous deux. Soudain, au cours des discussions, j’avais vu Pastor prendre un air bizarre et… tourner son chapeau, sur la table, de 80°. Or, je sais que ce n’est pas un maniaque… Tourner ce chapeau n’avait… aucun intérêt, aucun sens.

 

I : Qu’y a-t-il eu d’autre ?

J.P. P. : Cette même nuit, nous dormions dans la même chambre, Pastor et moi, dans deux lits côte à côte. Je me souviens que l’air conditionné ne marchait pas et que nous avions dû garder la fenêtre ouverte. Soudain, en pleine nuit (mais là commence mon propre témoignage, que j’ai qualifié de “souvenir ou rêve”), je me suis réveillé. Je n’avais plus aucun tonus musculaire et mon corps était devenu comme du caoutchouc. J’ai entendu du bruit, derrière la porte et vu de la lumière de l’autre côté. Puis, tout a été très vite.

Des gens sont entrés dans l’obscurité, m’ont prestement saisi et m’ont assis sur mon lit, en me tenant, sinon je me serais effondré… Je ne distinguais que des formes dans l’obscurité. Alors, on m’a braqué une espèce de lampe devant les yeux et je n’ai vu… que du bleu. Je ne voyais plus qu’une immensité de couleur azur. Puis j’ai sombré dans l’inconscience. Je me suis ensuite réveillé une seconde fois avec une impression de froid glacial sur la nuque. La pièce était très faiblement éclairée. J’ai vu un individu au bout de mon lit.

 

  1. : Un humanoïde ?

J.P. P. : Non, un homme de forte corpulence, blond, qui me paraissait avoir une cinquantaine d’années. Plus de lm80. Je ne pouvais pas faire un geste, tourner la tête ou même bouger les yeux. Je ne voyais que ce que j’avais devant moi. J’ai pensé à Pastor, mais je ne pouvais pas bouger pour le prévenir, ni faire quoi que ce soit. L’homme avait un complet croisé bleu marine et tenait dans ses mains un objet que je n’ai pas pu identifier. Il s’est aperçu que je reprenais conscience et a alors fait un signe de la tête à quelqu’un qui devait se tenir à côté de moi. Je suis alors redevenu inconscient, comme quelqu’un à qui on injecte du penthotal.

 

  1. : Et le lendemain matin ?

J.P. P. : Dès que je me suis réveillé, je me suis tourné vers Pastor, qui avait terriblement mal à la tête, ce qui ne lui arrive jamais. Je lui ai raconté ce que j’avais vu, ou cru voir pendant la nuit, et je lui ai parlé de cette espèce de goutte de laque, sur le revers de mon blouson. “C’est curieux, m’a répondu Pastor, j’ai eu la même sur mon chapeau, sur le galon, juste dans l’axe de vision. Elle était ronde également et faisait deux millimètres d’épaisseur. J’ai essayé de l’enlever, sans succès. Elle faisait 5 ou 6 millimètres de diamètre et … (etc…)

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Quadrature n°3 Mars-Avril 1990

édité par les Editions du Choix

4, rue des Carmélites, 95640 Forum 3 Bréançon.

 

Nouvelle adresse pour tout courrier :

76 boulevard Magenta 75010 Paris. Tel : (1) 40 35 18 58

 

La minute d’Anselme Lanturlu

 

DEUX OU TROIS CHOSES QUE JE SAIS DE SAKHAROV

par Jean-Pierre PETIT

Directeur de Recherche au CNRS

Observatoire de Marseille.

 

Andréï Sakharov est prix Nobel de la Paix. On le connaît surtout comme le grand refusnik soviétique, le courageux militant pour les droits de l’homme. Certains savent aussi qu’il a contribué fortement à la mise au point de la bombe H soviétique.

 

On a dit il y a quelques années que le Kremlin l’avait tenu reclus pendant de longues années parce qu’il aurait été détenteur de secrets scientifiques et militaires qui auraient fait de lui un véritable danger en cas de passage à l’ouest.

 

On connait très bien l’oeuvre scientifique de Sakharov depuis la publication en 1982 de l’ensemble de ses travaux, traduits en anglais. Les éditions Anthropos (15 rue Lacépède, Paris 75005) traduirent par la suite cet ouvrage en français en 1984. Si vous êtes un physicien théoricien chevronné, précipitez vous sur ce livre. Mais si vous êtes néophyte ces pages ne vous diront pas grand chose, car il s’agit de la reproduction intégrale des articles scientifiques originaux, et non d’un texte de vulgarisation accessible au grand public.

 

Sakharov est né le 21 mai 1921 à Moscou. Son père était un professeur de physique connu, auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation. Avant la guerre la vie des Sakharov correspondait à celle de bourgeois cultivés relativement aisés (vis à vis des normes soviétiques). Andréï commença ses études supérieures en 1938 et les acheva en pleine guerre, en 1942. Il fut alors directement affecté à une grande usine d’armement, sur la Volga, où il travailla jusqu’en 1945. Ceci lui donna une expérience d’homme de terrain, d’ingénieur, qui vint compléter une solide formation de physicien théoricien. En 1945 il devint l’assistant d’Igor Tamm, futur prix Nobel et en 1948 l’équipe s’attela à la réalisation d’une arme thermonucléaire, avec le succès que l’on sait.

 

En 50 Tamm et Sakharov jetèrent les premières bases de la filière de la fusion controlée et inventèrent le Tokamak, ultérieurement développé par l’académicien Artsimovitch. En 1952 Sakharov travailla activement dans le domaine de la MHD (en français magnétohydrodynamique, en russe MGD ou magnétogaz dynamique). Un système à magnétostriction produira alors un champ record de deux mille cinq cent teslas en 1964. Toutes ces recherches constituèrent la base de travaux développés par E.Velikhov, actuel vice-président de l’Académie des Sciences d’URSS, et sur lequel se fonde l’arsenal des armes spatiales soviétiques.

 

Sakharov fut élu à l’Académie des Sciences en 1953. En 1967 sa carrière scientifique connut un changement profond. En parallèle avec son engagement de militant de la paix, il se réorienta vers la cosmologie et publia des travaux encore peu connus sur un modèle de structure gémellaire de l’univers.

 

Comme il est difficile de résumer un tel personnage en un aussi court article, nous nous axerons sur la trame scientifique. Rappelons seulement que sa prise de position pour la limitation et l’interdiction des armes nucléaires date du début des années 1950 et entraina dès 1961 un conflit violent avec Nikita Kroutchev. Sakharov contribua activement à la signature, en 1962, du traité d’interdiction des essais nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace et sous la mer. Il reçut le prix Nobel de la Paix en 1975 et fut exilé à Gorki en 1980, après privation de toutes ses distinctions honorifiques.

 

L’équipe Tamm-Sakharov fut l’équivalent soviétique du tandem Teller-Ulam. On a parfois tenté de faire croire que la science soviétique n’avait jamais progressé que grâce à des fuites de secrets scientifiques issues du “ monde libre ”, perpétrées par des espions comme Klaus Fuchs (arrêté en 1950 et exécuté). Pour remettre les pendules à l’heure signalons que les soviétiques Flerov et Petrschak avaient quand même constaté dès 1940 la fission spontanée de l’uranium dans des expériences menées dans le métro de Moscou. En 1939 Bodski publiait une thèse sur la séparation des isotopes de l’uranium. Dans le numéro de Noël 1940 les Isvestia titraient «l’humanité va découvrir une nouvelle source d’énergie qui dépassera des millions de fois toutes les possibilités antérieures» et en 1941 le physicien Kapitza prononçait un discours reproduit par de nombreux journaux d’URSS où il expliquait «qu’une bombe atomique pourrait aisément détruire une ville de plusieurs millions d’habitants».

 

L’explosion de la première bombe A soviétique ne fut donc pas le résultat d’une improvisation découlant des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, mais l’aboutissement d’un long effort, orchestré par le physicien Kurtchatov et mené parallèlement au projet Manathan (ce que les américains, forts de leur légendaire complexe de supériorité, ignorèrent d’ailleurs très longtemps).

 

Lorsque les physiciens de l’atome eurent exploité cette réaction de dissociation exo-énergitique nucléaire baptisée fission, et qui s’initiait simplement lorsqu’on réunissait un nombre suffisant d’atomes fissibles (masse critique), ils envisagèrent d’exploiter certaines réactions de synthèse nucléaire exo énergétique (fusion thermonucléaire). Les américains s’orientèrent vers un mélange d’isotopes de l’hydrogène, deutérium plus tritium, qu’il fallait refroidir à très basse température pour pouvoir les manipuler à l’état liquide. L’idée fut de tenter de déclencher cette réaction en utilisant le formidable flux de rayons X issu de l’explosion de la bombe A (c’est lui en fait qui créé la «boule de feu» suivant la détonation). Une première explosion américaine (projet Greenhouse) montra que le mélange ne s’allumait pas en mettant simplement celui-ci à côté de la bombe A. Tamm eut alors l’idée de refocaliser cette énergie X en disposant la bombe A au foyer d’un ellips6ide métallique et la “ fusée ” de la bombe thermonucléaire à l’autre. Cette idée enthousiasma Teller (qui appelait la bombe thermonucléaire «mon bébé») et le projet fut mené à son terme.

 

En URSS grâce a Sakharov les soviétiques doublèrent les américains en passant directement à la «bombe sèche». En effet de nombreux mélanges de différents atomes peuvent conduire à la fusion (qui n’est rien d’autre qu’une chimie des noyaux). Les russes optèrent d’emblée pour le mélange lithium-hydrogène (hydrure de lithium) qui se présentait de manière stable à l’état solide’. La surprise fut de taille pour les américains, qui ont toujours eu le plus mauvais des services secrets, d’autant plus qu’ils considéraient que la conception d’un tel engin, sans le secours des premiers ordinateurs, inventés par Von Neumann, était une chose impossible.

 

Dès 1948 Sakharov suggéra la possibilité d’une «fusion froide», par catalyse mésonique. Lorsqu’on veut faire fusionner deux noyaux de deutérium ou un noyau de deutérium et un noyau de tritium il faut d’abord réussir à approcher ces noyaux l’un de l’autre, assez près pour que le réarrangement nucléaire puisse se faire. Or, comme tous les noyaux d’isotopes de l’hydrogène portent une charge positive, il faut que ces noyaux soient lancés l’un contre l’autre avec une très grande vitesse. Dans la fusion chaude, classique, cette vitesse est la vitesse d’agitation thermique correspondant à une température de l’ordre d’une centaine de millions de degrés. D’où le terme thermonucléaire.

 

Une autre possibilité consiste à apporter au mélange de fusion des méson , qui sont des particules chargées environ deux cent fois plus massives que les électrons. En prenant la place des électrons ces mésons donnent naissance à des «molécules mésoniques». Comme ces «mésomolécules» sont alors beaucoup plus compactes que les molécules liées par des électrons, le réarrangement nucléaire exo énergétique peut s’opérer. Il y a alors libération du méson et donc possibilité de catalyse.

 

Explorée en 56 par l’américain Alvarez pour le cas de réactions deutérium-deutérium, cette filière connaît un regain d’intérêt depuis qu’on a découvert récemment, il y a un peu plus d’un an, que cette catalyse, appliquée à un mélange deutérium-tritium, se révèlait être mille fois plus efficace, ce qui lui permettait de tangenter le seuil de rentabilité énergétique (réaction auto entretenue).

 

Dans les années 50, un rapport de Tamm-Sakharov donnait toutes les caractéristiques de ce qui sera ultérieurement baptisé le Tokamak. On y trouvait le dessin du champ magnétique de confinement, qui fait l’originalité de la machine, et les caractéristiques géométriques de l’ensemble.

 

Dès 1951 Sakharov s’intéressa à la MHD. Ici encore ce diable d’homme se débrouilla pour utiliser à son profit toutes les ficelles de la physique. A cette époque les physiciens ne pouvaient guère

 

Illustration : Le montage Teller-Ulam ou Tamm-Sakharov.

 

En fait, le terme de bombe H est assez inapproprié puisque toutes les bombes opérationnelles fonctionnent de fait à l’hydrure de Lithium et non à l’hydrogène lourd.

 

Le système à magnétostriction

créer de champs magnétiques pulsés supérieurs à un million de gauss étant donné les énormes intensités électriques qui devaient être mises en jeu dans les solénoïdes Sakharov utilisa alors le principe de magnétostriction. Il créa un champ assez intense à l’intérieur d’un solénoïde en déchargeant un condensateur, puis écrasa ces lignes de champ magnétique avec un explosif périphérique à la manière dont on serrerait des épis de blé dans sa main. Bilan, avec une technologie extrêmement rustique : deux mille cinq cents tesles.

 

Dans la foulée Sakharov inventa des machines dignes de Jules Vernes. Le système baptisé MK-2 utilisait toujours l’énergie d’un explosif. Celui-ci était cette fois enfermé dans un tube de cuivre placé au centre du dispositif, qui comportait une self en ressort à boudin. Un puissant condensateur localisait dans la self une  énergie 1/2 L12. L’explosif était alors mis à feu et déformait le tube de cuivre selon un cône, à la manière d’un poinçon qui se déplacerait selon l’axe à une vitesse extrêmement grande (la vitesse de détonation de l’explosif solide). Ce tube de cuivre en état de déformation plastique court-circuitait donc les spires les unes après les autres. La chute de l’inductance L et la conservation du flux (D = LI créaient une montée brutale de l’intensité. Bilan, avec cet autre dispositif très rustique : Cent millions d’ampères!

 

La préoccupation sous-jacente était évidemment de déboucher sur une arme. Voici le canon à plasma inventé à la fin des années 50 par Sakharov. Lorsque vous tirez avec une arme, à blanc, la vitesse d’éjection des gaz n’est pas sensiblement supérieure à la vitesse d’éjection nominale du projectile. Tout simplement parce que cette vitesse est limitée par l’inertie du gaz produit par l’explosif. L’idéal serait d’utiliser un gaz propulsif à inertie nulle, dont la vitesse ne serait alors limitée que par la vitesse de la lumière.

 

Lorsqu’il est enfermé dans une enceinte dont les parois ont une conductivité électrique suffisante, un champ magnétique se comporte comme un gaz sans inertie, dont la pression est alors B2 = 2 g .. Une paroi supracondutrice est par exemple totalement «étanche» au champ magnétique. Plus la conductivité électrique est grande, plus sa «porosité» est faible. Dans des expériences antérieures, en atteignant une valeur de 2500 teslas Sakharov avait déjà pu créer une pression magnétique de 25 millions d’atmosphère.

 

Il imagina alors une chambre où ce champ B allait se trouver enfermé brutalement par la dilatation explosive d’un tube de cuivre. La seule possibilité d’échappatoire étant l’espace séparant la paroi métallique du «canon» et l’âme centrale de la machine, il y disposa un anneau d’aluminium de 2 grammes destiné à jouer le rôle de projectile. Bilan : des vitesses d’éjection approchant les cent kilomètres par seconde.

Mais on doit convenir qu’il existait un réel danger à voir un tel potentiel d’invention d’armes destructibles partir dans la nature…

 

  • JETP Letters 5: 24-27. 1967

 

Sakharov envisagea alors d’étendre cette idée de magnétostriction à des explosifs thermonucléaires mégatoniques mis à feu dans des cavités souterraines. En fait tous les gadgets imaginés par lui étaient potentiellement transposables à l’échelle thermonucléaire. Les temps de fonctionnement sont plus brefs mais les valeurs de crête obtenues dépassent évidement l’imagination. Un système à auto excitation peut ainsi permettre au moment où s’initie l’expansion du plasma thermonucléaire, de convertir une partie de cette énergie en énergie magnétique, à travers un solénoïde, lui même transformé en plasma. Ce champ magnétique créé par ce système à auto excitation permet de donner une certaine directivité à l’explosion nucléaire, grâce à ces «lentilles magnétiques», cet effet étant comparable à celui d’une «charge creuse». Cette idée sera reprise par les américains à partir de 1967 pour réaliser une meilleure aspersion de la région visée par les déchets radioactifs de leurs bombes Fission-fusion-fission en dispersant ceux-ci dans le sens du champ magnétique terrestre. On touche ici aux recherches les plus classifiées à l’est ou à l’ouest, qui trouvent ainsi leur source dans des idées lancées par Sakharov en 1966.

 

Pendant toutes ces années rien n’arrêta Sakharov, qui, confronté à l’invention balbutiante du laser suggéra dès 1961 que celui-ci puisse un jour être utilisé pour la fusion, ou en tant qu’arme spatiale, alors que les premiers lasers de puissance arrivent à peine à percer une lame de rasoir (on mesurait alors cette puissance en «Gillettes»).

 

1967 marque un virage à angle droit dans la trajectoire de l’académicien. En même temps qu’il s’engageait totalement dans sa lutte pour les droits de l’homme il décida d abandonner toute recherche à vocation militaire. En jurant à ses collègues qu’il ne trahira aucun secret il bifurqua brutalement vers la cosmologie. Là encore sa contribution s’avèra totalement originale.

 

La question point de départ était que se passe-t-il à t < 0 ?

Dans un papier de 1967 Sakharov fournit une réponse pour le moins originale. Si on suit, au long d’une «expérience de pensée», une ligne d’univers», à la traversée de la singularité nommée Big Bang la flèche du temps subit une inversion (notons que le physicien anglais non moins célèbre Hawkings suggéra dans un papier de 1987 une inversion similaire de cette flèche du temps, mais cette fois lorsque l’univers semble lassé de s’étendre et se recontracte de manière… rétrochrone).

 

Sakharov compléta cette vision en suggérant que les phénomènes situés de l’autre côté du Big Bang, c’est à dire sur son «versant rétrochrone» puissent n’être que des images «CPT» de ce qui se passe sur notre versant «diachrone».

 

Que veut dire CPT ? Il faut entendre C pour charge, P pour «parité» et T pour temps. La parité correspond à l’orientation droite gauche. Lorsqu’on inverse la charge, le temps et qu’on réalise une symétrie en miroir (c’est à dire qu’on remplace les objets par leurs «images énantiomorphes») on change la matière en antimatière (et vice versa). Sakharov apporta donc une réponse à l’éternelle question «mais où est passée l’antimatière ?». Elle serait ainsi «de l’autre côté de ce miroir spatio temporel» qu’est le Big Bang

 

On sait que notre versant d’univers présente une «violation du principe de parité». Lorsqu’on considère deux réactions nucléaires qui sont en miroir, spatialement parlant, les résultats sont les mêmes, mais les durées de ces phénomènes diffèrent de façon mesurable. C’est une des découvertes scientifiques majeures de l’après guerre. Sakharov suggéra que cette violation du principe puisse être inversée dans le versant gémellaire d’univers, symétrique du nôtre. Sa vision cosmologique complète implique une synthèse des constituants matériels de l’univers, des baryons (bary, en grec, veut dire lourd) à partir de quarks, tandis que les anti-baryons résulteraient de la fusion d’antiquarks. Au cours du temps la violation du principe de parité aurait permis dans notre versant  d’univers une production en excès de matière, au détriment de l’antimatière, dans la proportion de un pour un milliard. C’est ce qui aurait évité la totale annihilation au premier centième de seconde’. Notre versant d’univers contiendrait ainsi un excès de matière et un excès d’antiquarks. Le scénario serait évidement inverse dans cet autre versant de l’univers qui contiendrait un excès d’antimatière et un excès de quarks (en fait l’image en miroir de notre situation spatio-temporelle). Notons que cette asymétrie baryonique va, selon Sakharov, avec une durée de vie du proton finie, évaluée par Sakharov à 1050 ans, idée qu’il a été un des tous premiers à lancer.

 

Comme le note Susskind, de Stanford University, commentateur des travaux de Sakharov dans l’ouvrage paru aux éditions Anthropos :  «- Avant les audacieuses hypothèses de Sakharov, la seule réponse était que Dieu avait créé l’univers avec plus de matière que d’antimatière, un point c’est tout».

 

La place manque évidement dans ce court article pour déployer tout l’éventail des directions de recherche suivies par Sakharov, véritable «généraliste de la physique». Nous terminerons en reproduisant la dernière page de son discours de réception de prix Nobel, qui date de 1975 :

 

«Il y a des milliers d’années les tribus humaines souffraient de grandes privations dans la lutte pour l’existence. Il était alors important, non seulement de savoir manier une matraque, mais de posséder la capacité de penser intelligemment, de tenir compte du savoir et de l’expérience engrangés par la tribu et de développer les liens qui établiraient les bases d’une coopération avec d’autres tribus. Aujourd’hui la race humaine doit affronter une épreuve analogue. Plusieurs civilisations pourraient exister dans l’espace infini, parmi lesquelles des sociétés qui pourraient être plus sages et plus «performantes» que la nôtre. Je soutiens l’hypothèse cosmologique selon laquelle le développement de l’Univers se répète un nombre infini de fois, suivant des caractéristiques essentielles. D’autres civilisations, y compris certaines plus «performantes», sont inscrites un nombre infini de fois sur les pages «suivantes» ou «précédentes» du Livre de l’Univers. Néanmoins nous ne devons pas minimiser nos efforts sacrés en ce monde, où comme de faibles lueurs dans l’obscurité, nous avons surgi pour un instant du néant de l’inconscience obscure à l’existence matérielle. Nous devons respecter les exigences de la raison et créer une vie qui soit digne de nous-mêmes et des buts que nous percevons à peine.»

 

Voir par exemple les premières minutes de l’univers, de Steven Weinberg, au Seuil, ou la traduction que j’en ai faite en bande dessinée : mon album Big Bang, toujours dans la série des Aventures d’Anselme Lanturlu.

J.P.P.

 

Le lecteur curieux pourra trouver une présentation imagée de ce thème dans ma bande dessinée LE TOPOLOGICON, paru aux éditions Belin, 8 rue Férou, Paris 75006. Le scientifique plus averti pourra se référer aux deux articles que j’ai publiés en 1977 aux comptes rendus de l’Académie des Sciences de Paris (en ignorant ce qui avait été fait par Sakharov) et intitulés «Univers Enantiomorphes à temps propres opposés» et «Univers en interaction avec leur image dans le miroir du temps».

 

 

 

 

 

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