Retour sur l’affaire Ummo par Gildes Bourdais (Francés). Les observations et les premières lettres en Espagne
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Descripción
Retour sur l’affaire Ummo par Gildes Bourdais (Francés). Les observations et les premières lettres en Espagne
Retour sur l’affaire Ummo
Première partie : Les observations et les premières lettres en Espagne
par Gildas Bourdais
L’une des photographies de l’ovni supposé à San José de Valderas, en juin 1967 (vue partielle)
Une histoire vraie, ou une manipulation ?
A quand remonte l’affaire «Ummo» ? Le 2 juin 1967, fut annoncée dans la presse espagnole l’observation, la veille, d’un ovni en forme de disque dans la banlieue de Madrid, à San José de Valderas. L’ovni avait même été photographié, et les photos publiées, avec une surprenante rapidité. L’année suivante, en septembre 1968, l’affaire » Ummo » prit corps dans la presse avec les révélations d’un prêtre, don Enrique López Guerrero, citées dans le journal ABC de Séville et reprises dans de nombreux journaux, en Espagne et même à l’étranger. Le Père Guerrero avait reçu de l’ufologue Antonio Ribera, l’un des principaux enquêteurs sur cette affaire, plusieurs lettres censées avoir été écrites par les » Ummites «, des extraterrestres venus secrètement de la planète Ummo (voir la bibliographie : Ribera 4-5). On apprit qu’un groupe de personnes habitant principalement à Madrid recevait depuis un certain temps de mystérieuses lettres rédigées par ces extraterrestres, qui disaient être venus en expédition sur Terre en 1950. Or l’ovni vu dans la banlieue de Madrid était l’un de leurs véhicules spatiaux, dont ils avaient d’ailleurs annoncé la venue quelques jours auparavant ! On retrouvait le même symbole de Ummo – trois traits verticaux barrés d’un trait horizontal – qu’on peut schématiser par ces trois signes )+( , en en-tête sur les lettres, et bien visibles sur le ventre de l’ovni.
Gros plan de l’ovni de San José de Valderas
Dix ans plus tard, les photos de l’ovni furent jugées fausses par deux équipes indépendantes d’experts, en France et aux Etats-Unis. Ce fut un coup très dur pour les partisans d’Ummo, mais qui ne suffit pas à mettre fin à l’histoire. Certains continuèrent à croire aux témoignages sur les observations de Madrid, et c’est pourquoi nous allons examiner cet aspect important du dossier. D’autre part, plusieurs personnes continuèrent à recevoir des lettres «ummites», postées d’un peu partout dans le monde, jusqu’au début des années 90. En tout, ce sont plus de 1 000 pages qui ont été reçues. Il faut donc aussi essayer d’évaluer leur contenu, ou au moins en examiner quelques aspects controversés.
Il faut dire clairement que, après une période d’engouement dans quelques pays, principalement en Espagne et en France, la plupart des ufologues du monde entier ont rangé l’affaire Ummo au rayon des canulars, ou même l’ignorent complètement, y compris en Espagne où l’affaire était née. Invité à une conférence aux Etats-Unis en mars 2000 (à Laughlin, au Nevada), j’avais posé la question devant un public d’au moins cinq cent personnes, très motivées sur les ovnis : » Avez-vous entendu parler des lettres ummites ? «. Seule une personne avait dit oui ! En revanche, ces lettres continuent à intéresser quelques ufologues en France, sans doute en grande partie grâce au soutien que leur a apporté le physicien Jean-Pierre Petit, qui a affirmé dans plusieurs livres et articles (voir notes bibliographiques) que ces lettres contenaient des idées remarquables sur le plan scientifique, et que cela plaidait en faveur de leur origine extraterrestre. Son premier livre sur le sujet, paru en 1991, Enquête sur des Extraterrestres qui sont déjà parmi nous (Petit 1) avait même remporté un gros succès de librairie.
Alors, est-ce une histoire vraie, ou un canular humain, très sophistiqué ? Il y a des raisons de supposer qu’il s’agit d’une opération de manipulation et de désinformation, mais cela n’est pas prouvé, et le doute subsiste sur ses auteurs éventuels. S’agit-il d’une opération montée par le KGB, comme le croient certains (Marhic 1, Bourret/Velasco 1), ou par des services américains, comme se l’est demandé lui-même Antonio Ribera en 1975 (Ribera 4-5), et en France Jean Sider (Sider 1) ? Il y a aussi, nous le verrons, des arguments sérieux en faveur de cette thèse. A moins que des extraterrestres, assez experts en tromperies de toute nature, comme le suggère l’ensemble du dossier ovni, ne soient eux-mêmes les auteurs d’une aussi remarquable supercherie! Les «Ummites» recommandent eux-mêmes aux lecteurs de ne pas trop les croire. Et les convaincus ne manquent jamais de répondre, lorsqu’on les confronte à des erreurs manifestes, que les Ummites les ont sans doute introduites à dessein pour se camoufler…Essayons d’abord de résumer l’histoire de cette affaire compliquée.
Les premières lettres «ummites»
Le résumé qui suit repose notamment sur les textes des enquêteurs espagnols Antonio Ribera et Rafaël Farriols qui ont été au centre de toute l’affaire (voir bibliographie : livre de 1968 traduit en français en 1975, articles de 1969 et 1975), complétés et recoupés avec d’autres sources.
La date véritable du début de l’affaire Ummo en Espagne est incertaine, ce qui est dommage car il est intéressant de pouvoir dater l’antériorité éventuelle de certaines «révélations». De quand date la première lettre ummite ? On admet en général que la première personne à avoir été contactée par les Ummites était Fernando Sesma Manzano, ésotériste vivant à Madrid, où il était président d’une » Société des amis des visiteurs de l’espace», qui se réunissait régulièrement au Café Lyon, dans une salle en sous-sol appelée «La baleine joyeuse». Sesma était déjà connu comme «contacté» de plusieurs civilisations extraterrestres. La date du 14 janvier 1966 est donnée le plus souvent comme celle du premier contact ummite, par téléphone, suivi d’une lettre. Il avait été appelé par un personnage mystérieux disant s’appeler «Deii 98», et avait été informé de l’atterrissage qui allait avoir lieu dans la banlieue de Madrid, à Aluche le 6 février suivant.
Fernando Sesma
(Cuadernos de Ufologia)
Selon certains, Sesma aurait révélé en 1965 à ses amis de Madrid qu’il recevait des lettres ummites depuis trois ans, donc depuis 1962. Curieusement, dans leur livre Un Caso Perfecto paru dès 1968, Antonio Ribera et Rafaël Farriols ne donnent pas de date pour ces premières lettres (Ribera, Farriols, 2). Plus tard, dans sa série d’articles publiés en 1975 par la Flying Saucer Review, Ribera n’a donné qu’une indication sommaire, sans citer le nom de Sesma : «depuis environ 1965, semble-t-il, un groupe d’environ vingt personnes» ont reçu des lettres par la poste (Ribera 4).
Le livre de Ribera et Farriols, Un Caso perfecto», paru en 1968.
(Cuadernos de Ufologia)
Dans les livres de Jean-Pierre Petit, nous trouvons les deux dates déjà citées : janvier 1966 pour les premiers contacts (Petit 2, pp.19 et 20), mais aussi 1962, à plusieurs reprises (notamment Petit 1, pp. 53 et 57). Petit cite en outre la date du 5 mai 1965 pour la lettre reçue par Sesma, décrivant les premiers jours des Ummites sur Terre (Petit 2, p. 153). Il cite aussi la date de 1964, sinon pour des lettres, du moins pour les premiers contacts : «Un certain nombre de Terriens ont été impliqués dans cette affaire depuis les premiers contacts, situés par les Ummites, selon les documents reçus, en 1964» (Petit 2, p. 28). En fait, si l’on se réfère aux enquêtes de plusieurs ufologues espagnols, publiées notamment dans la revue Cuadernos de Ufologia en 1988 et 1994 (Cuadernos 1 et 2), Sesma avait bien reçu des lettres à partir de 1962 (et des appels téléphoniques), mais elles étaient dues à un autre groupe d’extraterrestres, venus de la planète Auco, tournant autour de l’étoile Alpha du Centaure ! Le «représentant» de cette planète Auco s’appelait Saliano. Mieux encore, dès 1961, Sesma recevait déjà des lettres anonymes bizarres, provenant de différentes parties du monde, un mode de communication qui allait être aussi employé ensuite par les Ummites. Curieusement, toutes ces lettres ont été détruites par Sesma (Cuadernos 1, pp. 41 à 45). Ce qui est sûr, c’est qu’à partir de 1966, plusieurs autres personnes ont reçu également des lettres ummites. La majorité d’entre elles vivaient à Madrid, d’où leur nom de «groupe de Madrid «.
Le 6 février 1966, est annoncé dans la presse un premier atterrissage allégué d’ovni à Aluche, dans la banlieue de Madrid. Antonio Ribera, ufologue connu de Barcelone (auteur de El Gran enigma de los Platillos Volantes en 1966, décédé le 23 septembre 2001), écrit au principal témoin, du nom de Luis Jordan Peña, dont il avait vu l’adresse dans un article du 16 février. Celui-ci lui envoie une longue lettre décrivant son observation, et citant d’autres témoins qu’il a trouvés. Au printemps 1967, Ribera fait la connaissance de Enrique Villagrasa Novoa, qui est l’un des destinataires de ces lettres ummites, et du groupe de Madrid dont il fait partie. Ribera commence alors à recevoir lui aussi des lettres ummites, ainsi que son ami Rafaël Farriols, riche entrepreneur de Barcelone (Ribera 4-1).
Antonio Ribera
Peu après, le 1er juin 1967 , a lieu l’observation d’un ovni dans la banlieue de Madrid, à San José de Valderas, suivie d’un atterrissage non loin de là à Santa Mónica, qui sont rapportés dans la presse. Ribera et Farriols, très enthousiastes, enquêtent avec l’aide de membres du groupe de Madrid, en particulier Luis Jordan Peña, qui est le premier à enquêter sur les nouveaux événements. Dans les deux cas, on aurait vu un ovni ressemblant à deux cuvettes collées l’une à l’autre, avec le fameux symbole à trois branches bien visible en dessous. Il y a plusieurs témoins, des photos à San José, des traces au sol et de mystérieux tubes métalliques trouvés par terre à Santa Mónica. C’est un cas qui paraît si remarquable à Ribera et Farriols qu’ils publient en 1968 leur livre Un Caso Perfecto (Ribera, Farriols 2), qui sera traduit en français en 1975 sous le titre Preuves de l’existence des soucoupes volantes.
De son côté, Fernando Sesma a déjà publié dès 1967 son livre Ummo, Otro Planeta Habitado (Sesma 1). Il se pare du titre de » professeur «, abusif, et il a une réputation de spéculateur fantasque. Il avait déjà écrit un livre sur d’autres contacts qu’il disait avoir eu avec des extraterrestres, si bien que son livre sur Ummo n’a guère attiré l’attention. Selon Antonio Ribera, Sesma s’est désintéressé de l’affaire car les lettres ummites étaient trop techniques à son goût. Il préférait s’intéresser à d’autres extraterrestres, comme ceux de la planète Auco, plus élevés selon lui sur le plan spirituel. Ainsi, Sesma a cédé toutes ses archives Ummo à l’enquêteur Rafaël Farriols (Ribera 4-1). En fait, il aurait été écarté par les auteurs des lettres car on le jugeait trop indépendant : il ne cédait pas aux injonctions qui lui étaient faites de ne plus s’occuper que des Ummites ! (Cuadernos 1, p. 51). Quoi qu’il en soit, il ne reçut plus qu’une dizaine de pages en 1967, et plus rien en 1968.
Rafaël Farriols
Parmi les autres «contactés» recevant des lettres de Ummo, figurent l’ingénieur Enrique Villagrasa, dont Farriols et Ribera deviennent amis, et surtout José Luis Jordan Peña (souvent appelé Jordan tout court) qui va prendre de plus en plus d’importance dans toute l’affaire. Luis Jordan est un psychologue d’entreprise qui s’intéresse au paranormal. On l’a vu, il est l’un des principaux témoins de la première observation, à Aluche en 1966. C’est lui également qui va trouver la plupart des autres témoins, pour Aluche ainsi que pour les observations de 1967, à San José de Valderas et Santa Mónica. Il intègre alors le groupe de Madrid, dont il va devenir le président et qui prendra le nom de «Eridani». Luis Jordan est véritablement un pilier de toute l’affaire Ummo. Or il est en fait de tendance rationaliste très dure, hostile aux ovnis et à tous les phénomènes » paranormaux «! Cela est clair dans un entretien qu’il a accordé en 1991 à Alejandro Agostinelli, ufologue argentin travaillant pour la revue espagnole Cuadernos de Ufologia. Cet entretien est paru en français dans la revue Phénomèna de mai-juin 1993 (Agostinelli 1). Puis, en 1993, il a fini par avouer qu’il était l’auteur des lettres ummites ! (Petit 2, p. 225, et Mahric 2). Disait-il la vérité ou continuait-il à tisser des mensonges ? Il semble établi qu’il a au minimum participé à leur rédaction et à leur diffusion, mais le niveau scientifique souvent élevé de ces lettres incite à douter qu’il en ait été réellement l’auteur. Je vais y revenir plus loin, mais commençons par résumer le dossier des observations de Madrid, en rappelant les divers témoins, souvent «découverts» par Luis Jordan Peña.
Luis Jordan Peña
(Cuadernos de Ufologia)
La première observation : Aluche, février 1966
C’est un communiqué de presse de l’agence Cifra qui révèle cette première observation, censée avoir eu lieu le 6 février1966 à Aluche, dans la banlieue sud de Madrid. Entre 20 h et 21 h, «un vaste ovni circulaire», observé par plusieurs témoins, aurait effectué un bref atterrissage dans cet endroit. L’agence Cifra mentionne deux témoins qui semblent indépendants l’un de l’autre : un témoin pour le moment anonyme, et Vincente Ortuño qui a vu l’ovni depuis sa fenêtre (Ribera, Farriols 2, p. 51).
Le témoin » anonyme » était en fait Luis Jordan Peña, qui passait en voiture à ce moment-là. Son adresse est révélée le 16 février dans la revue Porqué de Barcelone qui publie un «entretien fictif» avec Luis Jordan (Ribera, Farriols 2, p. 54). Antonio Ribera, qui ne le connaît pas encore, peut ainsi le contacter et obtenir une longue réponse par lettre.
Jordan lui raconte qu’il vit approcher un disque dont la couleur, d’abord blanchâtre, passa ensuite au jaune, puis à l’orange. Il arrêta sa voiture, vit l’objet descendre non loin, et il essaya de s’en rapprocher en voiture. Alors qu’il s’en approchait, il vit le disque s’élever rapidement en émettant une lumière «insolite» (Ribera/Farriols 2, Ribera 3). L’objet paraissait avoir de 10 à 12 m de diamètre, et produisait un » son vibrant, régulier et sourd «. Soudain, il disparut, comme s’il s’était «éteint». Trois «projections», en fait des sortes de pieds, étaient apparentes sous l’appareil, ainsi qu’un large signe, assez semblable à celui de Ummo, mais sans barre transversale.
L’ovni d’Aluche dessiné par Luis Jordan
Jordan raconte que, très impressionné, il a enquêté aussitôt et trouvé d’autres témoins, qu’il a enregistrés avec un magnétophone. L’article de Porqué signalait déjà deux autres témoins, découverts on ne sait comment par Jordan : Mme Maria Ruiz Torres, habitante d’Aluche, qui a vu «un œil gigantesque derrière une vitre», et le berger Juan Jimenez Diaz, qui a vu une porte s’ouvrir et se refermer quand l’ovni a atterri, après quoi il a repris son vol. D’autre part, dans une lettre du 26 février au journaliste Eugenio Danayans, Luis Jordan raconte que, dès son observation sur la route, il est allé à une ferme toute proche, El Relajal, habitée par M et Mme Pelaez Blanco, mais ceux-ci n’avaient rien vu. Or Vincente Ortuño, l’autre témoin se trouvant à sa fenêtre à quelque distance de là, dit avoir vu l’ovni atterrir juste derrière cette ferme en illuminant les alentours (Ribera, Farriols 2, p. 89). Jordan cite aussi un officier d’aviation qu’on ne va pas pouvoir retrouver.
Quels témoins ont pu retrouver Ribera et Farriols ? En fait, à part Luis Jordan, ceux-ci n’ont pu rencontrer que Vincente Ortuño, deux ans plus tard , le 1er juillet 1968, et son témoignage est assez vague. Il leur dit avoir vu de loin l’ovni «en forme de lentille», qui illuminait les alentours, disparaître derrière la ferme, puis réapparaître et s’éloigner en virant au jaune pâle. Il a vu une tache sombre sous le ventre, mais pas le symbole Ummo (Ribera 2, p. 68). Pour les autres témoins cités par Luis Jordan, Ribera et Farriols ont dû se contenter d’écouter les enregistrements qu’il avait fait au magnétophone. Parmi ceux-ci, Mariano de la Heras, propriétaire d’un bar proche, «Le Palencia», raconte que plusieurs clients, dont des soldats employés à une poudrerie proche, ont dit avoir vu l’ovni, mais aucun n’a laissé d’adresse et il est impossible de les retrouver. Amador Gonzales, marchand de chaussures, dit connaître plusieurs témoins de l’atterrissage, mais refuse de donner leurs noms et adresses.
Trace d’Aluche
En revanche, on a découvert des traces au sol, le lendemain près de la ferme. Un journaliste de Madrid, Antonio san Antonio, intéressé par les histoires d’ovnis, vient les photographier dès le lendemain et publie la photo le 9 février dans un article du journal Informaciones, quotidien du soir à Madrid. Ribera et Farriols ne disent pas comment il a pu être aussi rapide. Est-ce Luis Jordan qui l’a prévenu ? Ce sont trois empreintes rectangulaires de 15 x 30 cm et profondes de quelques centimètres, dans un sol relativement dur. Elles peuvent correspondre aux trois «pieds» décrits pas Luis Jordan. Mais sont-elles authentiques ? On ne sait même pas qui les a trouvées. Dans leur livre Un Caso Perfecto, Ribera et Farriols écrivent seulement : «Le lendemain de l’événement, une foule de curieux vinrent les examiner ; parmi eux se trouvait don Antonio san Antonio, reporter photographe au journal Informaciones qui les fixa sur la pellicule et eut l’amabilité de nous remettre les négatifs dont le lecteur verra la reproduction dans cet ouvrage» (Ribera, Farriols, 2, p. 63).
Témoins de la trace d’Aluche
Le seul témoin apparemment indépendant de Jordan était Vincente Ortuño. Hélas, nous savons maintenant qu’ils étaient amis depuis plusieurs années ! Cette amitié entre Jordan et Ortuño est signalée par les ufologues espagnols José Juan Montejo et Carles Berché : lors d’un deuxième entretien avec Ortuño, celui-ci leur a concédé qu’il connaissait Jordan depuis plusieurs années avant 1966 (Cuadernos 2, p. 32). Ceci m’a été confirmé par l’ufologue espagnol Javier Sierra, qui est convaincu que toute l’affaire d’Aluche a été mise en scène par Luis Jordan. Je connais Javier, l’ayant rencontré plusieurs fois comme conférencier au symposium annuel de Saint-Marin, et je tiens ses informations pour crédibles. Voici ce qu’il m’a écrit le 9 octobre 2001, en m’autorisant à le citer :
«L’affaire Ummo est très difficile. Il est exact que je me suis beaucoup impliqué dans son étude, de 1988 à 1994, en découvrant que le cas d’Aluche en 1966, qui est à l’origine de toute l’affaire, était un canular perpétré par Jordan Peña et Mr Vincente Ortuño, les deux témoins du cas. Ils étaient apparus dans la presse comme des témoins indépendants, mais la vérité est qu’ils étaient de très bons amis. J’ai obtenu la confession d’Ortuño dès 1988. Et plus tard celle de Jordan». La second incident, près de Madrid en 1967, est-il plus solide ?
San José de Valderas, juin 1967
Dans un article paru en 1969 dans la Flying Saucer Review et dans Phénomènes Spatiaux (Ribera 3), Antonio Ribera résume ainsi l’incident : le 1er juin 1967, dans une banlieue de Madrid encore assez rurale, » plusieurs personnes goûtaient la fraîcheur de l’air du soir «, lorsqu’elles aperçurent tout à coup un étrange objet en forme de disque qui évolua pendant une douzaine de minutes à très basse altitude. Large d’environ 12 à 13 mètres, il semblait constitué de deux grandes cuvettes accolées, avec sous le ventre le fameux signe Ummo. L’incident fut rapporté dans la presse le lendemain, et José Luis Jordan, nous dit Ribera avec admiration, » ne perdit pas une minute, tant sa hâte était grande, pour aller interroger tous les témoins de cette seconde affaire, qui semblait avoir un rapport si étroit avec la première «. Et voilà de nouveau, en première ligne, Luis Jordan Peña !
Qui sont les témoins de ce nouvel incident ? Dans son article de 1969, Ribera dit qu’ils sont nombreux mais mentionne seulement » une dame dont Jordan enregistra les déclarations», des «rumeurs circulant dans les bars de l’endroit», un «ingénieur qui vit la chose voler le long de la grand-route de l’Estremadure». Il ne donne pas leurs noms et ne dit pas s’il les a rencontrés.
Dans son livre de 1968, il évoque une centaine de témoins et donne plus de détails (Ribera, Farriols 2, p. 97), mais en fait très peu de témoins sont cités. La plupart ne sont connus qu’à travers Luis Jordan, qui les a enregistrés sur son magnétophone, et il ne paraît pas utile à présent de les détailler.
Le doute subsiste sur la question de savoir si certains sont sincères et ont réellement vu quelque chose dans le ciel, mais alors qu’ont-ils vu vraiment ? On ne peut exclure quelque mise en scène, peut-être avec un modèle réduit, comme l’ont suggéré Claude Poher et Jacques Vallée, remarquant qu’il y avait un terrain d’aviation et une école aérotechnique à proximité (Poher 1, Vallée 2, p. 123). Qu’en est-il des fameuses photographies prises ce soir-là ? Elles sont censées avoir été prises par deux témoins qui se trouvaient sur les lieux, tout près l’un de l’autre, et qui avaient chacun un appareil chargé, prêt à fonctionner. Mais ils restent anonymes, et les photos seront dénoncées comme fausses dix ans plus tard !
Des photographes anonymes
Le premier photographe anonyme prend contact par téléphone avec le reporter du journal Informaçiones, Antonio san Antonio, qui avait déjà photographié et publié avec une grande célérité les traces d’Aluche.
Dans LDLN de juin-juillet 1977, Claude Poher dénonçait les photos truquées
Il lui déclare qu’il possède un «document photographique présentant un intérêt exceptionnel», qui est à sa disposition dans un laboratoire photographique, où il peut aller le chercher (Ribera, Farriols 2, p. 98). San Antonio se précipite et y trouve cinq clichés, séparés, qu’il publie dès le lendemain 2 juin au soir dans le journal Informaçiones. On ne sait qui admirer le plus pour leur célérité, le photographe amateur ou le journaliste. L’enquêteur Rafaël Farriols, après un entretien avec le journaliste, supposa que le témoin avait développé le film lui-même dans la nuit. Il l’aurait mal fait, ce qui expliquerait le flou des clichés. Rétrospectivement, sachant maintenant que c’étaient des faux – des maquettes pendues au bout d’un fil – on peut supposer qu’ils étaient flous intentionnellement, pour cacher le trucage.
Le second photographe amateur, nous disent Ribera et Farriols, qui disait s’appeler Antonio Pardo, avait aussi développé ses clichés lui même et les avait gardés chez lui pendant deux mois. «Enfin, il prit contact par téléphone, puis par lettre, avec notre ami Marius Lleget, peu de temps avant la parution de l’ouvrage que celui-ci a consacré aux disques volants» (Ribera, Farriols 2, p. 102). Mais Lleget, qui était très distrait, nous disent Ribera et Farriols, oublia de lui demander son adresse ! Rétrospectivement, on se dit qu’il avait peut-être été bien choisi, et au bon moment.
Le mystérieux Pardo lui envoie aussi, joint à sa lettre, un cliché d’une «petite bande de matière plastique», d’un » fragment de métal tombé, paraît-il, du VED («Véhicule Extraterrestre Dirigé») lorsque celui-ci avait atterri pour quelques instants à proximité de Santa Mónica, ainsi que deux négatifs de photos prises par lui dans son appartement et représentant le tube métallique et l’élément en plastique» (ibid. p. 102). Il s’agissait de mystérieux tubes métalliques contenant un bout de feuille plastique, découverts non loin de là, à Santa Mónica, où l’engin serait allé se poser brièvement, après avoir été observé à San José de Valderas, où les témoins l’avaient vu s’éloigner vers cet endroit. Mais avant d’en venir à ce curieux épisode de Santa Mónica, franchissons dix années jusqu’en 1977, date à laquelle deux experts indépendants démontrèrent que les photos de l’ovni étaient des supercheries.
En 1977, la découverte des trucages
Personne ne songe aujourd’hui à défendre l’authenticité des photographies de San José de Valderas. Rappelons comment elles furent démasquées en 1977 par deux équipes indépendantes. En France d’abord, par l’ingénieur Claude Poher, du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) à Toulouse, qui s’intéressait à cette affaire depuis le début des années 70. Il avait étudié des lettres ummites et avait déjà de sérieux doutes sur leur authenticité, comme nombre d’ufologues espagnols. La revue espagnole Stendek avait déjà publié dès 1972 un article jugeant fausses les photos de San José (Stendek 1). En 1976, de nouveaux moyens d’analyse performants devinrent disponibles au CNES, et Poher obtint de Farriols et Ribera le prêt des documents originaux. Les conclusions de son étude, totalement négatives, furent publiées en juin 1977 dans la revue Lumières dans la Nuit (Poher 1) :
«Les résultats des études conduisent à penser que ces clichés sont une supercherie réalisée au moyen d’une petite maquette en plastique translucide sous laquelle on a dessiné le signe )+( à l’encre et que l’on a suspendue par un fil très fin pour la photographier en prenant bien soin de ne pas faire apparaître la «canne à pêche» sur les clichés, ce qui explique les visées anormales».
On avait remarqué, en effet, que les photos étaient cadrées bizarrement, l’ovni étant toujours très décentré, en haut de l’image. Une autre bizarrerie était l’absence totale de personnages au sol, alors que de nombreuses personnes étaient censées se trouver là. Enfin, Poher avait démontré que les deux photographes anonymes ne faisaient qu’un, l’appareil étant exactement au même endroit, monté sur pied à 1,15 m du sol !
Les conclusions de Claude Poher, publiées juste avant la création du GEPAN dont il fut nommé responsable, furent confirmées la même année par l’équipe américaine de William Spaulding «Ground Saucer Watch», très active à l’époque sur l’étude des ovnis. L’analyse sur ordinateur fit apparaître la trace du fil auquel la maquette était attachée (Clark 1, Caudron 1). Signalons aussi qu’une étude faite plus récemment en Espagne par Carles Berché a abouti aux mêmes conclusions (Cuadernos 2).
Cette découverte des photos truquées, en 1977, allait-elle sonner le glas de l’affaire Ummo ? Oui, pour la plupart des observateurs. Non, pour les convaincus qui étaient encore nombreux en Espagne, en France et quelques autres pays. Ainsi Ribera écrivait-il en 1979, dans l’introduction de son livre Les Extra-terrestres sont-ils parmi nous ? (Ribera 5, p. 24) :
«Pas si simple ! Nous ignorons bien sûr la source de ces documents photographiques, mais Poher oublie un peu vite que le cas de San José s’appuie également sur plusieurs témoignages«.
C’est la raison pour laquelle il faut évoquer ici, même brièvement, ces fameux témoignages.
A Santa Mónica : atterrissage et tubes métalliques
Revenons maintenant aux événements de juin 1967 dans la banlieue de Madrid. Peu après l’apparition de San José le soir du 1er juin, des témoins avaient vu l’ovni non loin de là, à Santa Mónica. Certains l’avaient même vu s’y poser brièvement ! Le mystérieux Antonio Pardo, parti sans laisser d’adresse mais toujours bien renseigné, avait donné quelques pistes dans sa lettre à Lleget : le restaurant «La Ponderosa», et quelques noms de témoins à Santa Mónica. Mais c’est Luis Jordan Peña, encore lui, qui avait déjà rencontré les témoins et les avait enregistrés au magnétophone. Par la suite, Ribera et Farriols durent se contenter d’écouter ces enregistrements, pour la plupart d’entre eux. Ils mentionnent quand même dans leur livre trois autres témoins retrouvés par un enquêteur indépendant, mais celui-ci a voulu garder l’anonymat, tout autant que ses témoins : c’est bien dommage pour nous. Admettons cependant que des témoins indépendants avaient vu quelque chose. Il reste à savoir quoi. Or leurs témoignages sont vagues : il ont vu par exemple une lumière orange traverser le ciel avec des étincelles. Il pourrait très bien s’agir d’une fusée éclairante tirée par des complices de Jordan Peña.
Le principal témoin signalé par Pardo et rencontré par Luis Jordan était le patron du restaurant «La Ponderosa «, Antonio Muñoz. Celui-ci a raconté que, alors qu’il préparait la salle pour le dîner, il vit entrer les uns après les autres toute une série de témoins » très excités» (Ribera 3, pp.24 et 25). Ceux-ci lui dirent, chacun à leur tour, avoir observé l’ovni avec son fameux symbole Ummo, un «objet circulaire rouge qui vola au-dessus de leurs têtes et se posa brièvement sur le sol avant de s’envoler de nouveau». Il y a un détail qui ne colle pas : selon Muñoz, les témoins commencèrent à défiler vers 17 h 10 (Ribera, Farriols 2, p. 172), alors que l’observation de San José, précédant celle de Santa Mónica, était censée avoir eu lieu après 20 h ! Détail plus regrettable encore, Muñoz ne nota ni noms ni adresses. Le lendemain, il était occupé et c’est son beau-frère qui alla sur le terrain, où il découvrit trois empreintes rectangulaires, de même forme et de mêmes dimensions que celles d’Aluche. On peut se demander qui les avait faites.
C’est ici que le mystère s’épaissit encore, avec la découverte au sol de petits tubes métalliques. Citons exactement l’article de Ribera dans la revue Phénomènes Spatiaux de décembre 1969 (Ribera 3) :
» Il apparaît qu’à l’endroit de l’atterrissage furent découverts de mystérieux tubes métalliques. Ils avaient moins de 15 cm de long et provenaient, semble-t-il, de l’engin.
Tube métallique de Santa Mónica
Quelques jours après l’atterrissage, señor Muñoz et un certain nombre d’hommes d’affaires de la région reçurent une circulaire signée par un nommé «Henri Dagousset» où l’on pouvait lire qu’ayant appris par la presse espagnole qu’un ovni avait atterri à Santa Mónica et que cet ovni ou soucoupe volante avait laissé tomber des tubes métalliques, lui, ledit Henri Dagousset, éprouvant un intérêt scientifique pour ces tubes, offrait au nom du groupe qu’il représentait 18.000 pesetas pour chaque tube envoyé à son secrétaire, M. Antoine Nancay… «.
La lettre donnait un numéro de boite postale valable jusqu’au 15 juin, ce qui ne laissait pas beaucoup de temps pour répondre. Elle était accompagnée d’une photographie de l’un des tubes avec un croquis et ses dimensions : drôlement bien renseigné, ce mystérieux Monsieur Dagousset ! Disons tout de suite que personne n’a pu le retrouver, et Antoine Nancay non plus, comme l’explique l’ufologue français Hervé Matte, dans un article complétant celui de Ribera. Il avait bien repéré une personne de ce nom dans l’annuaire parisien et l’avait appelé, en compagnie de Joël Mesnard, qui m’a confirmé la chose. Sans résultat : après avoir écouté poliment l’histoire, l’homme s’était borné à répondre platement que ce n’était pas lui, sans aucun commentaire.
Plusieurs petits tubes métalliques furent bien retrouvés par des habitants du lieu, et Farriols put en faire analyser un exemplaire par un laboratoire compétent dont il connaissait le directeur. On découvrit que le métal était du nickel à 99 %, avec des traces de magnésium, de fer, de titane, de cobalt, de silicium et d’aluminium. Un matériau cher à fabriquer, mais pas extraordinaire. Dans le tube se trouvait une petite bande de plastique , frappée du sigle Ummo, qui était du tedlar, un polyvinyle fluoré, plastique très résistant aux intempéries utilisé par la NASA pour protéger les fusées sur les plates-formes de lancement ! (Ribera, Farriols 1, pp. 197 à 206). Sacrés Ummites : ils avaient le sens de la plaisanterie. Ne seraient-ils pas d’origine américaine, par hasard ?
L’atterrissage annoncé à l’avance ?
Il faut maintenant mentionner un autre aspect troublant du dossier Ummo dont on a fait grand cas, celui de l’annonce à l’avance, dans une lettre ummite, de l’atterrissage du 1er juin. Dans leur livre de 1968, Ribera et Farriols disent que, le 20 mai 1967, le journal Informacion (dans son édition d’Alicante) avait publié une communication selon laquelle un astronef devait se poser près de Madrid «dans les derniers jours du même mois» (Ribera, Farriols 2, p. 137 de l’édition française). C’était Fernando Sesma, l’homme du «groupe de Madrid», qui avait reçu la lettre et l’avait communiquée au journal. Pourquoi fut-elle publiée dans l’édition d’Alicante et non pas de Madrid ? Mystère ! De plus, il y a une légère incertitude sur le contenu du message, qui devient «entre le 30 mai et le 3 juin», dans l’article de Ribera de 1969 (Ribera 3). Puis l’anecdote évolue encore. Dans son article de 1975, Ribera change curieusement la date de l’atterrissage, qui devient le 10 juin 1967 au lieu du 1er juin (Ribera 4-1). Est-ce une coquille ? Pas du tout, car il répète plusieurs fois cette date en rappelant la lettre ummite qui l’annonçait :
«Le fait déconcertant est que, plusieurs jours auparavant, les mystérieux «gentlemen» de Ummo avaient annoncé à trois de leurs correspondants de Madrid l’arrivée de l’appareil, prévue pour le 10 juin 1967, et avaient même donné, avec une remarquable précision, les coordonnées géographiques du lieu où il atterrirait. Environ quarante personnes, présentes à une réunion au Café León, où elle devaient rencontrer le professeur Fernando Sesma, Président de la Société des Amis de l’Espace, confirmèrent par écrit que, la veille au soir du jour où eut lieu l’atterrissage, ils avaient déjà lu l’annonce de son arrivée». Et Ribera précise que son ami Farriols possède leur déclaration signée. Le moins qu’on puisse dire est qu’il y a une incertitude sur la date et sur la signification de cet épisode. En revanche, la date du 1er juin, citée dans la presse du 2 juin, semble bien établie pour les événements de Madrid, et c’est un bien curieux trou de mémoire de la part d’Antonio Ribera.
La lettre du dactylographe
Le 6 juin 1967, donc quelques jours après les observations de Madrid, Enrique Villagrasa reçoit une longue lettre, censée être écrite par le «dactylographe» des lettres ummites, mais celui-ci ne dévoile pas son identité. Il se présente ainsi : «Je suis celui qui tape à la machine les documents dictés par les Messieurs d’Ummo» (texte intégral, en français : voir Ribera 5). Il raconte comment il reçut la visite de deux hommes grands, blonds, à la peau claire, qui dirent être des médecins danois, et lui offrirent une forte somme pour taper des textes «scientifiques». C’est ainsi, dit-il, qu’il devint le dactylographe des Ummites ! Il raconte aussi que l’un d’eux lui prouva son origine extraterrestre en sortant de sa poche une petite sphère métallique qui flotta dans l’air (Ribera 4-1, p. 22).
La journaliste Martine Castello, qui a enquêté en Espagne à la fin des années 80, raconte que les destinataires des lettres ne poussèrent pas très loin leurs recherches pour découvrir l’identité du mystérieux dactylographe. L’enquête fut rapidement abandonnée, et Rafaël Farriols, questionné par Martine Castello, se fit évasif. Mais elle apprit que l’un des enquêteurs du groupe, qui était commissaire de police, «avait reçu un coup de fil des Ummites lui intimant l’ordre de mettre un terme à cette démarche» (Castello 1, pp. 87, 88), à la suite de quoi il «cessa immédiatement l’enquête, sans même prendre la peine de chercher à localiser la provenance de l’appel téléphonique». Cette anecdote est révélatrice de l’état d’esprit des destinataires des lettres, qui étaient dès cette époque complètement aveuglés et avaient perdu tout esprit critique. Le groupe espagnol prenait déjà des allures de secte.
Quelques points marquants après 1967
Après la période de «lancement» de 1966-1968, la saga de Ummo a continué, fertile en épisodes, surtout dans les années 70-80. Rafaël Farriols est alors devenu le principal correspondant des Ummites, non seulement par lettres mais aussi par téléphone. La voix, enregistrée en novembre 1968, se révèle être synthétique, ce qui évidemment ne prouve rien car on savait faire cela, notamment les Américains, à cette époque. Un appareil générateur de voix synthétique, appelé le «Vocoder», avait été inventé dès 1939 aux Etats-Unis (Cuadernos 2, p.121).
Les réunions en Espagne
En 1971, Rafaël Farriols organise avec son ami Antonio Ribera une première conférence près de Madrid, à laquelle est invité le Français René Fouéré, qui a déjà publié un article de Ribera dans sa revue Phénomènes Spatiaux (Ribera 3), et qui a reçu à son tour une lettre ummite, en français. L’affaire Ummo va-t-elle essaimer en France ? Au début, comme le raconte Martine Castello, les Français sont plutôt perplexes (Castello 1, p.138 et suivantes). Fouéré va à la réunion de Madrid, accompagné d’un biologiste. A son retour, celui-ci, qui a gardé l’anonymat, fait de sérieuse réserves sur le groupe de Madrid, alias Eridani, qui lui semble manquer singulièrement d’esprit critique. Farriols, notamment, «paraît vouer un véritable culte aux Ummites». En outre les Espagnols sont très méfiants, semblant craindre d’être «dans le collimateur d’un service d’espionnage international !». Certains épisodes de cette période leur donnent à penser qu’ils sont surveillés de près par la CIA. D’autre part, des soupçons pèsent déjà sur Luis Jordan Peña, qui est connu pour démasquer les «impostures» des parapsychologues. On a remarqué qu’il est l’auteur de dessins d’un graphisme identique à ceux des lettres ummites, et en plus il est photographe amateur disposant d’un laboratoire à son domicile.
Plusieurs autres réunions ont lieu au cours des années 70-80, dont la plus intéressante à signaler est celle de 1985, à Madrid. Jean-Pierre Petit, qui s’intéresse déjà depuis 1975 aux lettres ummites (et n’a pas été découragé par la découverte des trucages photo en 1977) a participé à ce symposium particulièrement insolite, qu’il a raconté dans son livre Enquête sur des extraterrestres qui sont déjà parmi nous, publié avec un grand succès en 1991. Citons exactement son récit :
«Les quatre principaux contactés, Farriols, Dominguez, Aguir et Barranechea, déclaraient conjointement, vingt-cinq ans après la réception des premiers documents, qu’ils n’avaient jamais cru à leur origine extra-terrestre. Or, nous savions pertinemment que ce n’était pas vrai. Cette lecture eut un effet immédiat. A la pause, la salle se vida aux trois quarts et beaucoup de gens partirent de méchante humeur en disant que c’était un scandale de les avoir abusés de la sorte pendant tant d’années» (Petit 1, pp 120 et 121).
Et les militants de la cause, comment prirent-ils ce mauvais coup ? Dans son deuxième livre sur Ummo, Petit cite une «explication» de Rafaël Farriols, selon lequel «les Ummites auraient alors cherché à restreindre le groupe de leurs «fidèles» pour mener une opération d’une essence différente, axée sur «l’information de l’âme collective terrestre par voie télépathique»»(Petit 2, p. 33). Mais, poursuit Petit, «l’expérience se révéla être globalement un échec. Les gens de Madrid vécurent tout cela très mal». Des contactés de la première heure, comme l’ingénieur Dominguez et le médecin Aguire, se retirèrent, ne comprenant plus rien à cette histoire. Même le dernier carré des fidèles entourant Farriols à Barcelone, tel Barranechea en 1991, se démantela, à la consternation de Farriols.
Que s’était-il passé ? Avec une discipline admirable, les principaux animateurs avaient lu un courrier qu’ils venaient de recevoir, de nature à démolir leur groupe. C’était un coup très rude, désastreux même, pour la crédibilité de toute l’histoire ummite. Pour sa part, Petit se demanda «qui tirait les ficelles de cette histoire et pourquoi». Mais ce n’est pas tout. Il raconte aussi dans son livre que, la nuit dans sa chambre d’hôtel, il se réveilla complètement paralysé mais put apercevoir «des hommes en train de vaquer à je ne sais quelles opérations». Ils virent qu’il était réveillé et lui administrèrent une dose d’anesthétique qui lui sembla être du penthotal. Il se réveilla le lendemain avec une forte migraine et une douleur à l’urètre (Petit 1, pp. 121 et 122). Quel traitement avait-il subi ? Il ne le sait pas.
Le site introuvable de La Javie
L’arrivée supposée des Ummites sur Terre était décrite dans des lettres de 1967. La première expédition, en provenance de leur planète Ummo, était censée avoir débarqué clandestinement, le 24 mars 1950, près du village de La Javie, lui-même proche de la ville de Digne, dans les Alpes de Haute Provence. Les Ummites donnaient des indications sur l’emplacement de l’atterrissage dans la montagne, où ils s’empressèrent de creuser un abri souterrain, et plusieurs équipes d’enquêteurs allèrent dans les montagnes entourant le village pour tenter de découvrir cet abri. C’était d’autant plus excitant que les Ummites disaient y avoir laissé une partie de leur équipement. Mais en vain. Il était censé se trouver sur les contreforts de la montagne du Cheval blanc, d’où l’on voyait le clocher de la cathédrale de Digne, mais ces indications n’étaient pas assez précises et ceux-ci tournèrent en rond.
Les montagnes autour de La Javie, vers l’est.
A droite, la Crête de la Blache (photo G. Bourdais)
Jacques Vallée raconte qu’il se rendit à La Javie en 1974, en compagnie d’Aimé Michel et de Fernand Lagarde. Le voyant américain (remote viewer) Pat Price croyait avoir localisé le lieu sur une carte, mais cela ne donna rien (Vallée 2, p. 130). Des enquêteurs espagnols, après avoir vainement cherché sur cette montagne, dénoncèrent la supercherie de Ummo en 1981. Claude Poher étudia lui aussi le site. Les Ummites avaient donné deux distances : à 13 km de Digne et à 8 km de La Javie, et cela correspondait au Col de la Cine, mais de là on ne voyait pas le clocher de la cathédrale de Digne !
Le clocher de la cathédrale de Digne
(photo G. Bourdais)
Jean-Pierre Petit fit plusieurs expéditions, au sommet de la Pompe, puis à la crête de La Blache, sans succès non plus. Bref, personne n’a jamais pu trouver ce site mythique.
Certains enquêteurs pensent avoir remarqué des éléments curieux à proximité de La Javie, notamment une route et une ligne électrique sans utilité apparente, mais le lien avec un éventuel site extraterrestre ne semble pas établi de manière évidente. En fait, la ligne électrique relie au réseau une petite usine hydroélectrique. En revanche, on sait que Claude Poher et le GEPAN ont bien enquêté sur les lieux avec l’aide des gendarmes, obtenant même de l’armée de l’Air une photo aérienne de la région. Quant au récit de l’expédition, il vaut son pesant d’or à lui tout seul, et nous allons y revenir plus loin en évoquant les lettres ummites.
Les montagnes vers le nord-est de La Javie. A gauche, le Sommet de Chappe (photo G. Bourdais).
Un intermède russe : Voronej, 1989
Glissons rapidement sur l’épisode de Voronej, en Russie. En septembre 1989, des enfants auraient vu se poser un ovni sur lequel apparaissait le symbole de Ummo. L’incident est annoncé dans la presse en octobre et fait quelque bruit, ce qui conduit Martine Castello et Jacques Vallée à enquêter à Moscou, en janvier 1990. Ils y rencontrent des ufologues de la région de Voronej qui semblent convaincus de l’authenticité du cas (Castello 1, chap. 10). Mais selon l’ufologue russe Boris Chourinov, qui avait participé à l’entretien, le dessin du symbole Ummo était déjà connu des ufologues russes à cette époque, et l’un d’eux l’avait montré au garçon qui avait fait le dessin. En fait, explique Chourinov, c’est toute l’affaire de Voronej qui est elle-même douteuse (Chourinov 1, chap. 19, p. 202).
En 1991, l’affaire relancée en France
En France tout au moins, l’affaire Ummo a connu un certain retentissement médiatique avec la publication du premier livre de Jean-Pierre Petit en 1991, ainsi que du livre de Martine Castello, La conspiration des étoiles, succès qui provoqua la réédition du livre d’Antonio Ribera, Ummo, le langage extraterrestre. Mais, si l’affaire Ummo devint importante dans le petit monde ufologique français, il faut bien voir qu’elle ne fit que renforcer le scepticisme ambiant sur les ovnis, dans le monde scientifique et intellectuel. Ce point est sans doute important pour tenter de comprendre la signification de cette histoire. Je vais y revenir, mais terminons ce rapide rappel des événements. Alors que, en Espagne et en Italie, les ufologues étaient de plus en plus sceptiques sur cette affaire, sans parler des autres pays qui l’ignorent complètement, elle fut entretenue en France par Jean-Pierre Petit, avec un second livre en 1995, et de nombreux articles, où il a même révélé qu’il recevait encore des lettres ummites. Elle reste encore très présente sur plusieurs sites internet. Tentons maintenant de résumer quelques-unes des critiques qui peuvent être faites sur les affirmations et «révélations» contenues dans ces centaines de pages de lettres ummites.
Les lettres ummites : quelques critiques
Nombreux sont ceux qui soulignent l’intérêt des lettres ummites, quelle que soit leur origine véritable. En dépit de lourdeurs et de maladresses, elles touchent à de nombreux domaines et contiennent beaucoup d’idées, de nature scientifique ou même philosophique. Il ne s’agit pas de le nier, mais de rappeler ici quelques unes des nombreuses critiques qui se sont accumulées, et qui mettent en doute l’éventuelle origine extraterrestre de ces textes. Le fait est qu’ils contiennent de nombreuses invraisemblances, au point que l’argument souvent mis en avant que ces erreurs sont intentionnelles paraît largement insuffisant pour les expliquer. Quant à l’argument selon lequel les lettres contiennent des données scientifiques complètement originales, inconnues à l’époque, il semble bien court lui aussi.
La distance très variable de leur étoile
Selon Jacques Vallée, une lettre ummite de janvier 1965 (cette date paraît pour le moins incertaine) révélait l’identité et la distance de l’étoile Iumma par rapport au Soleil : c’était l’étoile Wolf 424, située à 3,68502 années-lumière du Soleil, à la date du 4 janvier 1953. Là, nous nous heurtons à un gros problème, car si cette distance était bien celle que donnaient les catalogues astronomiques depuis 1938, elle avait été révisée à la hausse, étant maintenant estimée par les astronomes à 14,3 années-lumière. Fernando Sesma leur signala l’erreur, sur quoi les Ummites lui répondirent qu’ils avaient donné la «vraie distance», qui «varie grandement d’un jour à l’autre d’après les concepts d’espace-temps découverts par Ummo» (Vallée 1, p. 126). On trouve en effet le paragraphe suivant dans la lettre qui annonce l’arrivée des nefs ummites, fin mai 1967 :
«Distance de Iumma au Soleil – Distance apparente que suivrait un quantum énergétique d’un faisceau cohérent d’ondes dans l’Espace de trois dimensions. Mesurée par nous le 4 janvier 1955 : 14,436954 années lumière.
«La distance réelle Mesurée dans le Cadre tridimensionnel [symbole ummite] à cette même date durant le Plissement [autre symbole ummite] 40 [autre symbole ummite] 45/77/76 : 3,68482 années lumière terrestres» (Ribera 5, p. 103).
Ainsi, selon les Ummites, les deux distances étaient bonnes ! Une «explication» qui tombait bien, extrêmement ésotérique, mais qui devrait mettre la puce à l’oreille de tous les lecteurs scientifiques des lettres ummites. Sans rien savoir de l’astronomie spatio-temporelle, version ummite, on peut se demander comment la première estimation des astronomes terriens, proposée en 1938 par l’observatoire de Yerkes (Caudron 1, p. 193) avait pu coïncider aussi remarquablement avec la distance due à un «plissement» de l’espace-temps selon les Ummites, à la date de janvier 1953 ou 1955 et non pas de 1938. Quelle extraordinaire coïncidence !
Récemment, certains ont fait le rapprochement entre cette théorie ummite des «plissements» de l’espace-temps et le modèle de l’univers «chiffonné», étudié par le physicien français Jean-Pierre Luminet. Celui-ci a fait un inventaire des diverses topologies théoriques de l’espace, concevables dans le cadre de la physique connue, et il a découvert la possibilité théorique que l’espace soit «chiffonné» au point de créer des images fantômes de lointaines galaxies. Cela pourrait-il expliquer cette énorme variation de distance de l’étoile Wolf, selon les Ummites ? Dans son livre «L’Univers chiffonné», Luminet, évoquant le ciel étoilé que nous pouvons voir à l’œil nu, écarte une telle possibilité : «…il n’est pas question que l’espace cosmique soit chiffonné sur une aussi petite taille, au point que les étoiles visibles à l’œil nu, toutes situées à moins de cent années-lumière de nous, se montrent en plusieurs exemplaires. Mais si l’on remplace les étoiles par des galaxies lointaines, notre expérience de pensée se justifie pleinement» (Luminet 1, p. 115). Ainsi, ses effets éventuels se situent à des milliards d’années-lumière.
L’étoile Wolf 424 : deux naines brunes !
Les Ummites ont fait une autre erreur astronomique, cette fois sur la nature de l’étoile Wolf 424. Dans leurs premières lettres, ils la décrivent comme une étoile de type K, autour de laquelle leur planète Ummo décrit une orbite presque circulaire, plus grosse que la Terre et permettant la vie. En fait, cette description ne correspond pas du tout aux observations astronomiques. En premier lieu, l’étoile Wolf 424 a un éclat beaucoup trop faible et beaucoup trop rouge, et donc une température beaucoup trop faible, pour être leur étoile «Iumma».
Dans une lettre reçue par Antonio Ribera en 1969, les Ummites se lancent dans une explication compliquée pour expliquer cette énorme différence : il y a un léger doute pour identifier l’étoile Wolf 424, «due à l’existence d’une accumulation de poussière cosmique très dense», pouvant atténuer beaucoup l’éclat apparent de l’étoile, ce qui crée des difficultés «difficiles à résoudre» (Ribera 5, pp. 46 et 47). Or, selon les astronomes, il n’y a pas de nuage de poussière important entre Wolf et le Soleil, ce qui fait que cette explication ressemble plutôt à un écran de fumée (Caudron 1, pp. 193 et 194). Certains continuent cependant à laisser cette porte ouverte : peut-être, se demandent-ils, la véritable étoile Iumma est-elle cachée derrière un nuage interstellaire, non loin de Wolf 424 et à la même distance qu’elle du Soleil ? (voir site internet de Alain Ranguis). En attendant une aussi miraculeuse découverte, on peut se demander pourquoi les Ummites, en dépit de leur science si avancée, avaient pourtant désigné dans leurs premières lettres l’étoile Wolf 424. Peut-on se permettre de se tromper ainsi d’étoile quand on pratique la navigation interstellaire ?
Plus sérieusement, on savait depuis de nombreuses années que Wolf 424 est une étoile double, ce que n’avaient pas dit, d’ailleurs, les lettres ummites. Plus récemment, grâce au télescope spatial Hubble, les astronomes ont pu déterminer qu’il s’agissait de naines brunes très proches l’une de l’autre (deux fois la distance Terre-Soleil). Leur masse totale est très faible – 4,2 % de celle du Soleil – et leur rayonnement est non moins faible, ne permettant pas l’existence d’une planète favorable à la vie (voir site internet Ufocom, «Wolf 424 est-elle Iumma ?»). Bref c’est un démenti fort embarrassant qui a été ainsi opposé aux lettres ummites.
Le problème de leur ressemblance physique avec nous
Si l’on en croit leurs lettres, les Ummites nous ressemblent beaucoup – on ne les remarquerait pas dans la rue – et leur physiologie est très proche de la nôtre, à quelques détails près. Un détail plutôt comique est qu’ils deviennent aphones «vers l’âge de 16 ans terrestres» (Ribera 2, p. 89). C’est typiquement le genre de détail qui devrait éveiller les soupçons, tant il semble destiné à faire rire. Cela dit, nombreux sont ceux qui considèrent cette grande ressemblance comme invraisemblable.
En premier lieu, elle suppose que l’évolution de la vie sur la planète Ummo ait été, au cours de plusieurs milliards d’années, quasiment identique à la nôtre, et quasiment synchrone dans le temps. Cela paraît a priori impossible, mais essayons de creuser un peu l’idée. On connaît le phénomène de la «convergence des formes», observée sur Terre, qui devrait favoriser la forme «humanoïde», la plus apte au développement d’une civilisation avancée : un tronc, une tête avec cerveau et organes sensoriels, des membres pour se déplacer et fabriquer. Mais cela ne signifie pas que l’anatomie interne et la physiologie soient forcément identiques ! Les dauphins et les requins, d’apparence semblable, sont des animaux très différents. En revanche, l’idée de panspermie continue à avoir des partisans. Si elle était vraie, il se pourrait que l’ADN que nous connaissons soit répandu dans le cosmos. Cependant, cela n’implique pas forcément que des êtres semblables à nous existent ailleurs, car l’histoire de la vie sur terre montre qu’elle évolue dans toutes les directions et que le hasard y joue un grand rôle.
Une autre hypothèse, que connaissent bien les ufologues, est celle d’interventions extraterrestres dans notre propre évolution, qui nous auraient plus ou moins modelés «à leur image» par des manipulations génétiques. Mais ce scénario, faut-il le souligner, n’a rien à voir avec celui du débarquement d’une petite équipe d’explorateurs ummites, en 1950 à La Javie, qui avaient du mal à distinguer le sexe des humains ! L’hypothèse selon laquelle nous serions «apparentés» à des êtres venus d’ailleurs est une tout autre histoire. Sans insister davantage, disons ici que l’idée de «voisins» très semblables à nous par hasard est hautement problématique.
Une solution à ce mystère a bien été proposée par certains, qui semble s’inspirer d’une théorie très spéculative, celle du champ «morphogénétique» du biologiste britannique Rupert Sheldrake, issue elle-même d’idées qui remontent aux années 20 (Sheldrake 1 et 2). Selon lui, la vie se répand et se copie à distance grâce à une sorte de champ vital qui transmet les informations : cela pourrait-il expliquer que les Ummites, censés être proches de nous dans l’espace et le temps, nous soient si semblables ? Mais cette hypothèse soulève aussitôt un autre problème, celui des nombreux témoignages de rencontres rapprochées, sans parler des enlèvements, qui nous décrivent une foule bigarrée d’êtres humanoïdes très dissemblables, dont certains, au moins, seraient en provenance d’étoiles «proches». Ces êtres si différents viennent-ils de si loin qu’ils ont échappé à l’heureuse influence d’un champ morphogénétique «local» ? Là, nous nous enfonçons dans des spéculations de plus en plus fragiles.
Le problème de la découverte de la Terre
Le récit de la découverte de la civilisation humaine par la réception d’une émission radio est tout aussi suspect. Dans une lettre de 1967, les Ummites racontent qu’ils ont capté des messages radio émis par un navire norvégien, qui faisait des essais de transmission en morse entre le 4 et le 8 février 1934 sur une fréquence de 413.43877 MHz. Il paraît hautement improbable qu’ils aient pu capter, par hasard, une telle émission, de faible puissance et non dirigée. Sans qu’il soit nécessaire de citer des chiffres, on sait bien que tous les espoirs actuels de capter des messages extraterrestres supposent que les émissions, s’il y en a, soient dirigées vers nous avec précision, avec une forte puissance, au bon moment, et sur la bonne fréquence d’écoute. Et encore faut-il de puissants radiotélescopes, braqués dans la bonne direction et au bon moment, pour avoir la moindre chance de les capter. Jean Heidmann, le pionnier français de telles écoutes, a toujours admis que les chances de réussir étaient extrêmement minces. Sur le seul problème de la fréquence, Heidmann observe, dans son livre Intelligences extraterrestres, que la «fenêtre SETI (de 1 à 10 GHz) contient cent milliards de canaux (de 0,1 Hz) de communication possibles» ! (Heidmann 1, p. 149).
Dans le même ordre d’idée, on peut aussi se demander comment il se fait que ces extraterrestres «voisins», en avance sur nous de milliers d’années et capables de franchir la distance qui nous sépare en quelques mois, n’aient découvert notre existence qu’au milieu du 20eme siècle. N’avaient-ils pas un programme d’exploration des étoiles proches semblables à la leur, au besoin avec des sondes automatiques, comme nous savons déjà le faire pour les planètes du système solaire?
La nef ummite : une boîte à sardines !
La description du véhicule spatial des Ummites est l’un des éléments qui m’ont toujours fait craindre le canular dans cette affaire Ummo. Laissons de côté pour l’instant la théorie de l’univers jumeau d’antimatière, qui permettrait de «raccourcir» à six mois ou moins le voyage des Ummites, et voyons un peu la «quincaillerie». Cette nef ummite est décrite avec beaucoup de détails dans une longue lettre de 43 feuillets, reçue par l’ingénieur Villagrasa le 9 janvier 1968. Celle-ci figure dans le livre d’Antonio Ribera Les Extra-Terrestres sont-ils parmi nous ? (Ribera 5, pp 124 à 181). C’est là que Jean-Pierre Petit va trouver plus tard l’idée de la propulsion MHD.
Plan de la nef ummite
La première chose qui frappe, c’est la petitesse de la nef ummite : 13,20 m de diamètre et 4,80 m d’épaisseur (Ribera 5, p. 105). Tout doit tenir dans ce faible volume : les systèmes de propulsion, de navigation, les réserves d’énergie, d’oxygène et de vivres, et surtout l’habitacle dans lequel vont vivre une douzaine d’hommes pendant six mois : une vraie boîte à sardines ! La comparaison s’impose d’autant plus que, lors des phases d’accélération et de décélération, les passagers revêtent un scaphandre et flottent dans une «gelée tixantropique» (en fait, thixotropique) qui les protège de l’accélération (Petit 1, p. 17). En dehors des périodes d’accélération, la gelée est refoulée hors de l’habitacle, lequel est en forme toroïdale et tourne sur lui même de manière à créer une légère pesanteur artificielle (elle doit être bien légère, vu les dimensions modestes de l’habitacle). Leur scaphandre crée aussi une «réalité virtuelle», plus confortable que ce cauchemar de claustrophobe.
Dans cet environnement artificiel, explique Jean-Pierre Petit, «Les passagers seraient nourris par la bouche, à l’aide d’un petit tube. La défécation ne poserait aucun problème. Une capsule serait introduite dans l’anus qui transmuterait automatiquement les fèces en hélium» (Petit 2, pp. 95 et 96). Notons que la transmutation des éléments, qui se fait chez nous dans de lourdes piles atomiques dégageant de dangereuses radiations dont il faut se protéger par d’épais blindages, semble être un jeu d’enfant sans danger pour les Ummites. En revanche, la nef ummite, par ses dimensions exiguës, ressemble plus à nos premiers véhicules spatiaux qu’à un puissant astronef capable de parcourir d’immenses espaces interstellaires.
Le débarquement sur Terre
Curieusement, la lettre racontant l’arrivée sur Terre ne figure pas dans le livre de Ribera Les Extraterrestres sont-ils parmi nous ?, consacré pourtant à la présentation des textes ummites. Mais elle est citée largement par Jean-Pierre Petit dans ses deux livres, notamment dans Le mystère des Ummites (Petit 2, pp. 153 à 165). Elle est donc assez connue en France, ce qui permet d’être bref.
Il n’est pas nécessaire d’avoir une haute compétence scientifique pour être sceptique sur certaines affirmations contenues dans cette lettre. Par exemple, il est pour le moins étonnant que leurs équipements ne leur permettent pas de décoder les ondes de télévision (Petit 2, p. 160). En revanche, ils n’ont aucun mal à se creuser un abri, long de 4 mètres à une profondeur de 8 mètres, dès leur arrivée la nuit dans la montagne. Rien de plus facile pour les Ummites : ils fondent la roche et la transmutent en azote et en oxygène ! (Petit 2, p. 159). Mais surtout, leur récit est émaillé de détails comiques dignes des Marx Brothers, comme le reconnaît d’ailleurs Petit lui-même.
On apprend que les Ummites avaient d’abord survolé plusieurs régions. Leurs premières photographies, prises à la verticale de la ville suisse de Montreux, étaient un peu floues (les satellites espions d’aujourd’hui semblent faire mieux) mais elles permirent d’établir la différenciation des sexes, «sur la base de la présence, chez certains individus, de mamelles importantes. Les images n’étaient pas suffisamment bonnes pour donner des détails de l’habillement. Nous découvrîmes cependant la corrélation existant entre le sexe et les cheveux, «les femmes ayant une pilosité crânienne plus abondante»» (Petit 2, p. 155). Or nous apprenons ailleurs que, lorsqu’ils ils firent un raid sur une ferme et anesthésièrent leurs occupants, ils ne purent déterminer leur sexe, «bien que sachant déjà que sur Terre les femmes se laissaient pousser les cheveux» (Petit 1, p. 33). Un peu sous-doués, par moments, ces Ummites. Dans le même genre, ils ont beau analyser la composition chimique du morceau de savon qu’ils ont volé, ils n’arrivent pas à en déterminer l’usage. Ignorent-ils les propriétés remarquables de ce produit que connaissaient les Gaulois il y a 2000 ans ? Et pourtant, on apprend dans d’autres lettres, consacrées à la vie ummite, qu’ils sont obsédés par l’hygiène et la propreté. De même, ils découvrent près de leur campement une feuille de papier journal souillée, qu’ils examinent dans leur laboratoire, et ils ne comprennent pas à quoi elle a bien pu servir.
La liste des objets volés dans la ferme est digne des Pieds Nickelés. On y trouve notamment un «hygromètre représentant une religieuse» (Petit 1, p. 33. Notons au passage que, dans son second livre, Petit cite, page 163, «un hygromètre représentant la Sainte Vierge» : traduction plus précise ?). On y trouve un «quinquet», qui est une lampe à huile.Une curieuse antiquité, pour des extraterrestres qui semblent capables de transmuter les éléments aussi facilement que nous cuisons un œuf. Plus moderne était le compteur électrique, volé également, qui a été ensuite monté en épingle par les enquêteurs lorsqu’ils ont découvert qu’il y avait eu en effet à cette date un vol de compteur électrique dans une ferme du coin ! Malheureusement, il est toujours possible, dans une opération habilement montée, d’introduire un tel détail «qui fait vrai». Incidemment, il paraît qu’à La Javie résidait une riche famille de la noblesse espagnole. Mais il ne semble pas que l’on ait creusé cette piste pouvant mener vers l’Espagne.
Le monde des Ummites
La description du monde des Ummites met tout de suite le lecteur très mal à l’aise. Au risque de paraître un peu faible, bornons-nous à citer ici quelques inventions qui plongent dans la perplexité ou l’hilarité. La plus typiquement invraisemblable, peut-être, est le véhicule sans roues. Voici comment Jean-Pierre Petit présente la chose :
«Selon les textes, la technologie de Ummo aurait pris dès son départ un tour systématiquement zoomorphe. Ainsi, dans le passé, les ingénieurs locaux auraient conçu d’emblée d’étranges véhicules munis de pattes, baptisés multipodes» (Petit 2, p. 185). Il est vrai que, ces dernières années, se sont multipliées les études de robots se déplaçant ainsi, mais on sait qu’il s’agit là d’une technologie de pointe en mécanique et en informatique. En matière de locomotion, les Ummites ont vraiment pris le problème à l’envers !
Leur manque flagrant d’esprit pratique apparaît également dans le modèle de la maison-champignon montée sur un pédoncule élévateur, et escamotable dans une cavité du sol : tout aussi difficile à mettre au point, et peut-être dangereuse pour les habitants, car on ne voit pas d’escalier de secours. Que faire en cas de panne de la machine ? Dérouler une échelle de corde ? Tout cela semble sortir d’une bande dessinée de Moebius, ou de Zig et Puce !
Références :
Ribera 1 – Article d’Antonio Ribera dans la Flying Saucer Review (FSR)
sur l’incident d’Aluche (février 1966) :
» The Madrid Landing » (FSR vol 12, No 3, mai-juin 1966).
Cuadernos 1 – Article de Igniacio Cabria Garcia «Sesma, Saliano, Ummo, la Ballena Alegre», et article de Carles Berché Cruz «Ummo : 20 Años de Paranoia Compartida», dans la revue Cuadernos de Ufologia, numéro 3, Santander, septembre 1988.
Cuadernos 2 – Dossier «Ummo : la Historia interminable». Articles de José Juan Montejo, Carles Berché, José A. Cezon, Luis R. Gonzalez, Alejandro Agostinelli, Renaud Marhic, Boris Chourinov, dans la revue Cuadernos de Ufologia, numéro double 16-17, Santander, 1994.
Sesma 1 – Livre de Fernando Sesma Manzano, Ummo, otro planeta habitado, Madrid, 1967.
Ribera, Farriols 2 – Livre de Antonio Ribera et Rafaël Farriols :
Un Caso Perfecto (Pomaire, Barcelone,1968. Réédition en 1973 par Plaza & Janés, Barcelone).
Trad française : Preuves de l’existence des soucoupes volantes (Editions De Vecchi, 1975).
Ribera 3 – Article de Ribera sur San José de Valderas et sur Aluche :
» The San José de Valderas photographs » dans la Flying Saucer Review (vol 15 No 5, sept-oct 1969).
Traduction en français dans Phénomènes Spatiaux Numéro 22, 4eme trim 69 (déc 69) :
» Les photographies de San José de Valderas. Un cas extrêmement bien documenté».
Complété par l’article » De lumière et d’ombre » par Hervé Matte.
Ribera 4 – Article de Ribera, » The mysterious Ummo affair «,
publié en 1975 dans la Flying Saucer Review, en cinq parties :
(R 4-1) Partie 1, volume 24-4, jan 75
(R 4-2) Partie 2, vol 20-5, mars 75
(R 4-3) Partie 3, vol 21-1, juin 75
(R 4-4) Partie 4, vol 21-2, août 75
(R 4-5) Partie 5, vol 21-3 et 4, nov 75.
Stendek 1– Article de Oscar Rey Brea, «Algo sobre las fotografias del supuesto ovni de San José de Valderas», dans la revue Stendek No 9, août 1972.
Vallée 1 – Livre de Jacques Vallée Le collège invisible, Albin Michel 1975 (trad. de l’anglais. Ed. orig. The Invisible College, 1975).
Poher 1 – Article de Claude Poher dans la revue Lumières dans la Nuit (LDLN) No 166, juin-juillet 77 : «Les observations d’Aluche et de San José de Valderas ainsi que l’affaire Ummo : Une supercherie de taille !»
Guerrero 1 – Livre du Père Enrique López Guerrero, Mirando a la Lejanía del Universo, Barcelone, 1978.
Ribera 5 – Livre de Antonio Ribera seul : El Misterio de Ummo , 1979 (Plaza & Janés, Barcelone).
Traduction française : Les Extra-Terrestres sont-ils parmi nous ? Le véritable langage Ummo
1ere édition en 1984 (Editions du Rocher)
2eme édition en 1991, juste après le premier livre de Jean-Pierre Petit.
Petit 1 – Livre de Jean-Pierre Petit Enquête sur des Extra-terrestres qui sont déjà parmi nous, Albin Michel 1991.
Castello 1 – Livre de Martine Castello et al., La conspiration des étoiles. Les Ummos : terrestres ou extraterrestres ? , Robert Laffont, 1991.
Sider 1 – Jean Sider, article «Ummo :Les raisons d’un doute «, dans LDLN No 307, janvier-février 1991.
Vallée 2 – Livre de Jacques Vallée Révélations, R. Laffont, 1992 (trad. de l’anglais, éd. orig. 1991).
Caudron 2 – Dominique caudron, «Coucou, nous étions là», dans Ovni Présence, mai 1992.
Bourret, Velasco 1 – Livre de Jean-Claude Bourret et Jean-Jacques Velasco,
Ovnis, la science avance, R. Laffont, 1993.
Caudron 1 – Dominique Caudron, » Les Ummoristes sont parmi nous «, dans le livre collectif édité par Thierry Pinvidic OVNI. Vers une anthropologie d’un mythe contemporain, (Editions Heimdal, 1993).
Marhic 1 – Livre de Renaud Marhic L’affaire Ummo : les extraterrestres qui venaient du froid
Editions Les Classiques du Mystère, 1993.
Agostinelli 1 – Article de Alejandro Agostinelli » Affaire Ummo : l’interview de l’homme-clé «, revue Phénomèna No 15, mai-juin 93.
Marhic 2 – Article de Renaud Marhic » La mystification d’Ummo : des aveux qui appartiennent à l’histoire «, revue Phénomèna No 19, janv-fév 1994.
Chourinov 1 – Livre de Boris Chourinov, Ovnis en Russie. Les deux faces de l’ufologie russe, Trédaniel, 1995.
Petit 2 – Livre de Jean-Pierre Petit Le mystère des Ummites. Une science venue d’une autre planète ?, Albin Michel, 1995.
Clark 1 – Jerome Clark, article «Ummo Hoax», dans The UFO Encyclopedia Volume 3″, 1996.
Petit 3 – «Jean-Pierre Petit répond à Phénomèna«
No 25, jan-fév 95.
Petit 4 – Entretien avec Jean-Pierre Petit, «Science, Ovnis et militaires», dans la revue Incroyable et scientifique, numéro 13, juin-juillet 1997.
Petit 5 – Livre de Jean-Pierre Petit On a perdu la moitié de l’univers, Albin Michel, 1997.
Autres sources citées :
Luminet 1 – Livre de Jean-Pierre Luminet : L’Univers chiffonné, Librairie Arthème Fayard, 2001.
Sheldrake 1 et 2 – Livres de Rupert Sheldrake : Une nouvelle science de la vie, Le Rocher 1981 ; La mémoire de l’Univers, Le Rocher, 1988.
Heidmann 1 – Livre de Jean Heidmann Intelligences extraterrestres, Editions Odile Jacob, 1992.
Dans Phénomèna No 39, 1998.
Crédit photo : Cuadernos de Ufologia, Rualasal 22, 39001, Santander, Espagne.
Décembre 2001
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