Ummo y Danse avec les ummites (Joseph Altairac)

Descripción

Danse avec les Ummites
Mystification extraterrestre et science-fiction
Joseph ALTAIRAC
Nous les Martiens n° 22
Décidément, les Ummites, ces pseudo-extraterrestres qui, depuis 1966, inondent de courrer certains
naïfs, ont bien réussi leur coup. Voilà qu’au sein même de KBN n°4 (mai 1992), notre ami Francis Valéry nous
gratifie d’un passionnant article, « L’Hypothèse anthropomorphique dans l’oeuvre romanesque de Chad Oliver :
Notes sur la préinscription du phénomène ummite dans la littérature de science-fiction — 1 ». Et ce n’est
visiblement qu’un début. Sans compter que l’actif rédacteur en chef de KBN appelle le monde critique de la
science-fiction à suivre son exemple : « Si un plus grand nombre de documents ummites pouvaient circuler
dans la communauté SF, il ne fait aucun doute qu’il serait envisageable de poursuivre des recherches à
l’intérêt évident » 1. Qu’on se le dise.
Appel entendu… par anticipation, par Michel Meurger qui, dans Études lovecraftiennes n°11 (Épiphanie
1992), consacrait cinq pages érudites 2 de critiques à l’ineffable best-seller (100 000 exemplaires vendus ! 3) de
Jean-Pierre Petit, Enquête sur les extraterrestres qui sont déjà parmi nous (Albin Michel, 1991), et ne
manquait pas de souligner les rapports nombreux qu’entretient le cocasse canular d’Ummo avec la sciencefiction.
Je dois dire que cette affaire Jean-Pierre Petit, outre l’amusement et un peu d’énervement (pauvre CNRS,
mis sur le même plan, par une partie non négligeable du public, que telle association de fumistes patronnée par
Jimmy Guieu !), a surtout été pour moi à l’origine d’une bouffée de nostalgie.
Que celui qui n’a jamais frémi un instant, dans son jeune temps, en parcourant tel ou tel ouvrage d’Aimé
Michel sur les soucoupes volantes, par exemple, cesse à l’instant la lecture de cet article.
Qui aurait pensé qu’à l’issue d’un après-midi de libations (ce devait être un lundi !), en cherchant un
raccourci que jamais je ne trouvai, je serais entré par erreur dans une fort sympathique librairie 4 et me serais
surpris en train d’acheter à prix d’or, mais sans rechigner, un vénérable exemplaire d’occasion du grand
classique de Leslie et Adamski, Les soucoupes volantes ont atterri ? Non, pas chez J’ai lu dans la stupéfiante
collection de barjoteries « L’Aventure mystérieuse », mais l’édition originale française (La Colombe, 1954),
avec les photos de la soucoupe vénusienne et du vaisseau-porteur en forme de cigare ! J’ai craqué sur ces
clichés improbables, touchants de naïveté.
Le cauchemar avait déjà commencé. je dois me retenir chaque jour pour ne pas me ruer sur la réédition
(scandaleusement incomplète) en vidéo des Envahisseurs 5. La pub géniale pour le caméscope Hitachi doit
aussi y être pour quelque chose. je me suis procuré l’hallucinant ouvrage de Jean Sidet, Ultra top-secret, ces
ovnis qui font peur (éditions Axis Mundi, 1990) — avec une préface de l’impayable Pr. Pémy Chauvin, ça ne
s’invente pas — qui fait le point sut les affaires de mutilations de bétail aux États-Unis (si !). « La photo de
couverture représente un authentique ovni », nous précise-t-on en page 3. À ce propos, qu’est-ce qu’un ovni
non authentique ? Un objet volant identifié ? un non-objet etc., etc. On se perd en conjectures.
Je parcours, fébrile, Les extra-terrestres sont-ils parmi nous ? Le véritable langage ummo (éditions
du Rocher) d’Antonio Ribera, traduit de l’espagnol. Le « dictionnaire ummo », avec ses précieuses révélations
sur l’alphabet et la langue des extraterrestres, n’en constitue pas le moindre attrait.
Peut-être encore plus inquiétant : j’exhume avec précaution d’une armoire poussiéreuse, une élégante
édition club du Livre des sexrets trahis de Robert Charroux (l’édition originale, si mes renseignements sont
justes, date, elle, de 1965). Oui, vous avez bien lu. Robert Charroux, véritable thuriféraire de la pensée ( ?)
hétéroclite, un des piliers incontournables (et vous savez ce qu’il risque d’arriver, si l’on oublie de contourner
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un pilier) de la collection « les Énigmes de l’univers » chez Robert Laffont.
Je me suis très vite plongé avec délice dans la lecture du chapitre XXII, énigmatiquement intitulé « La
centrale du secret jaune »…
Et pour couronner le tout, je dévore d’enthousiasme le n°47 d’Ovni-présence, un « Spécial Ummo » 6 (6).
Mais attention : ces ouvrages (je n’ai cité ici que quelques-uns des plus notables), réunis par souci de
documentation quand ce n’est pas par nostalgie (Adamski ! que ta soucoupe était jolie !) sont-ils tous à mettre
dans le même sac ? Certainement pas.
Celui de Jean Sider, malgré sa grande naïveté, mérite un certain respect. La documentation est sérieuse,
les sources sont citées avec scrupule et précision, ce qui n’est pas si courant en France, et je ne parle pas
seulement du domaine de l’ufologie. L’idée selon laquelle certains organismes d’État américains ont cherché à
mettre les bâtons dans les roues aux malheureux ufologues, en se livrant notamment à la rétention
d’informations, est défendue par Jean Sider de façon somme toute assez convaincante. La CIA n’est-elle pas
capable de tout ?
Et surtout, Sider fait le point, à la fin de son ouvrage, sur le folklore ufologique américain. À cette
occasion, il n’hésite pas à recenser, dans un but essentiellement documentaire, les extravagantes théories ayant
cours dans certains milieux. On s’instruit et on s’amuse beaucoup à cette lecture. Jimmy Guieu n’a rien inventé
(c’est dire !).
Le numéro « Spécial Ummo » d’Ovni-présence est un démontage du canular mené avec érudition et
humour par Dominique Caudron, chroniqueur bien connu des lecteurs de Science & Vie. Cette précieuse étude
constitue l’antidote idéal aux Ummites si vous connaissez dans votre entourage un malheurex (Enquête sur
des extraterrestres qui sont parmi nous s’est, faut-il le rappeler, vendu à 100 000 exemplaires !) qui aurait
prêté l’oreille sans rire aux élucubrations de notre astrophysicien dévoyé. Dominique Caudron fait en
particulier justice des soi-disant connaissances scientifiques supérieures des Ummites, visiblement piochées
dans des revues de vugarisation ien de chez nous, dont… Science & Vie !
Le courage d’Ovni-présence mérite d’etre souligné. Il est à craindre, en effet, que certains des lecteurs les
plus crédules de cette publication, trop engagés sur la voie de l’imaginaire vadrouilleur et rebelle, lui tennent
rigueur de briser ainsi leurs pauvres illusions. Lettres d’insultes (cela arrive aux meilleures revues) et
désabonnements vont pleuvoir…
L’ouvrage de Ribeira, bien mieux que celui de Jean-Pierre Petit, permet de prendre connaissance du
dossier Ummo. Il nous propose un copieux choix de textes et de lettres ummites (ces derniers sont des obsédés
du courrier). je vous recommande tout spécialement les considérations des Ummites sur la philosophie (chez
nous, vu leur nullité ils n’auraient aucun chance au Bac). Les passages sur leurs moeurs et leurs coutumes sont
assez drôles aussi, beaucoup moins que du Jack vance, tout de même.
On se demande si Ribeira est un naïf ou un roublard. Peut-être un curieux mélange des deux. En tout cas,
il n’y a pas de problème :il prend ses lecteurs pour des imbéciles.
Tout bien pesé, les photos de soucoupes volantes dans l’ouvrage de Leslie et Adamski me semblent
largement aussi réussies, sinon plus, que celles des vaisseaux ummites (voir Ovni-présence n° 47, p. 12). le
réverbère à gaz (ou l’élément d’aspirateur ? ou la couveuse artificielle ? ou la lampe à bronzer ?) d’Adamski a
fière allure, et se trouve probablement à l’origine des magnifiques soucoupes des Envahisseurs. Le vrai
nostalgique n’hésitera pas à refeuilleter pour la millième fois l’album publié par Dargaud, Le Dossier des
soucoupes volantes, de Lob et Gigi. Un des épisodes est consacré à Adamski. Le dessin très efficace de Gigi,
épaulé par l’érudition (orientée) de Lob, conférait aux affaires ufologiques les plus abracadabrantes une
factualité inattendue. À l’époque, je lisais les fameux dossiers dans Pilote. Tout cela ne nous rajeunit pas…
Charroux aurait-il été l’un des premiers contactés des Ummites ? En tout cas, il l’a été par les Bâaviens.
Mais les Bâaviens sont-ils réellement (sic) des collègues des Ummites ou des Ummites déguisés ? Le
mystère reste entier. Comme les Ummites, les Bâaviens, en principe venus de Proxima du Centaure, ne sont
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pas avares en documents. Ils ont leur grammaire et leur alphabet, qu’ils exposent complaisamment. Eux aussi
se déplacent en soucoupes voantes, appelées vaïdorges, et l’on peut même en voir un plan détaillé, page 309 du
Livre des Secrets, dans le magnifique chapitre « La Centrale du secret jaune ».
Autre document qui impose le respect, la photo, page 312, du « tableau du correcteur de vitesse
gravifique de l’engin intergalactique des Bâaviens ». On dirait un peu un vieux manomètre de chaudière, mais
mes compétences en technologie extraterrestre sont nulles. Ce qui fait plaisir, c’est que les Bâaviens utilisent
comme nous les chiffres arabes ! Mais est-ce tellement étonnant, après tout, quand on sait que, d’après les
Bâaviens, les Mongols sont d’origine extraterrestre !
Charroux reçut sa première lettre le 16 mars 1964, signée par un certain M.N.Y. Elle débutait en ces
termes :
« Monsieur,
Ce que je vous écris n’est pas un conte merveilleux et pas davantage un récit de science-fiction.«
Un bon point pour les Bâaviens, qui eux, au moins, ne confondent pas merveilleux et sience-fiction. Si je
ne me retenais pas, ce détail me ferait plutôt pencher pour leur authenticité, tellement cette prise de position est
rare sur notre planète.
La science-fiction… Voilà un genre qui pose des problèmes de tous ordres aux joyeux farceurs, faux
Bâaviens (mais non, je ne crois pas qu’il y en ait de vrais !) et Ummites de pacotille. Comment arriver à faire
sérieux, lorsque la littérature, la radio, le cinéma et la télévision (surtout la télévision, d’ailleurs) ont popularisé,
mais en même temps ridiculisé le thème d’« Ils sont parmi nous » ? Certes, aujourd’hui, beaucoup de gens
croient en la possibilité de l’existence d’extraterrestres, prise de position très respectable qui fournit
malheureusement un terreau fertile aux plaisantins professionnels, mais les mêmes ont aussi vu Les
Envahisseurs à la télévision. Alors, quand on vient leur expliquer que les extraterrestres sont parmi nous, les
sourires ironiques et incrédules s’élargissent. À moins de réussir à circonvenir une authorité respectée… Le
mieux serait de mettre la main sur un scientifique.
« Avec l’accord de M.N.Y. », précise Robert Charroux, « nous avons fait examiner la partie scientifique
des documents par des techniciens et notamment par M. Robert Frédérick, docteur ès sciences. Le résultat de
ce contrôle est formel : tout est scientifiquement exact ou possible. Rien ne peut être réfuté pour vice de forme
ou faute technique » (Le Livre des secrets trahis, p. 310).
L’édition française (l’édition originale est espagnole) des Extra-terrestres sont-ils parmi nous ?
d’Antonio Ribera présente un long épilogue commentant le contenu scientifique des documents ummites de
l’ouvrage. « Il aurait été plus simple, » nous dit son auteur, « de demander à tous ces scientifiques qui ont
travaillé sur ces documents, souvent pendant des années, de prendre la plume et de rédiger eux-mêmes ces
lignes. » S’ils ne le font pas, on s’en doute, c’est par peur du ridicule. Et Dominique Caudron va jusqu’à
soupçonner Jean-Pierre Petit d’être l’auteur de cet épilogue…
Jean-Pierre Petit, en tout cas, est une véritable aubaine pour les mystificateurs d’Ummo. Connu du grand
public pour ses ouvrages de vulgarisation, chercheur au CNRS, c’est un scientifique véritable, et relativement
médiatique de surcroît. Si le savant Jean-Pierre Petit est troublé, se dit nécessairement l’honnête homme tout
imprégné de respect pour l’autorité scientifique, c’est qu’il doit tout de même y avoir qelque chose derrière.
Nul besoin, en effet, d’une adhésion totale. Les nombreux lecteurs de Jean-Pierre Petit ne croient
certainement pas tous en l’existence des Ummites, mais leur doute est suffisant. Le ver est dans le fruit, les
mystificateurs ont déjà partiellement gagné leur pari.
On en vient alors, en poussant les choses plus loin, à se poser la question : que se passerait-il si une
mystification postulant l’existence d’extraterrestres, cautionnée (sciemment ou non) par des scientifiques, ne se
contentait pas de susciter seulement quelques adeptes, comme c’est le cas aujourd’hui, mais parvenait à faire
l’unanimité ? Cette hypothèse paroxystique n’a pas manqué, vous vous en doutez bien, d’inspirer les écrivains
de science-fiction.
Un beau jour, simultanément, à Tokyo sur le Ginza, à New York dans la 5e AVenue, à Paris au faubourg
Saint-Honoré, trois nouveaux magasins, somptueusement décorés, ouvrent leur porte à l’enseigne bien
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mystérieuse de « Mars Products ». À leur plafond se trouve suspendue une réplique parfaite en cristal de la
planète Mars.
Quatre objets seulement sont présentés au public, mais quels objets ! Une horloge, une machine à
calculer, un moteur hors-bord et une boîte à musique, tous d’une telle perfection que l’on ne peut la comparer à
aucun équivalent terrestre existant. Des vendeurs affables mais masqués sont là pour accueillir le public
incrédule. Et dans les journaux paraissent des annonces déclarant que la planète Mars désire développer des
relations commerciales avec la Terre, sur les bases les plus amicales. Mais il n’est nullement question de
bouleverser l’équilibre économique de la Terre !
C’est l’incrédulité générale. On pense à une habile mystification, à un formidable coup publicitaire. Des
enquêtes sont immédiatement entreprises, qui n’aboutissent à rien. Les prétendus Martiens disparaissent alors
sans laisser de trace, à l’exception d’un minuscule microfilm, trouvé par le détective Tom Bristol dans un des
magasins, et portant ce qui semble être une inscription en martien. Le professeur Goldman, le plus grand
philologue mondiale, parvient à déchiffrer partiellement l’inscription, qui n’évoque aucune langue terrestre
connue, grâce à la présence de quelques phrases en anglais sur le microfilm.
La teneur ambiguë du texte inquiète le Président des États-Unis, qui se décide, sur la suggestion de
l’ambassadeur de France, à convoquer ses homologues du monde entier : Mars pourrait bien s’avérer une
terrible menace pour la Terre !
En quelques mois, la Terre se retrouve unie. Un état-major pour le monde entier jette les bases d’un
gouvernement mondial, des stations spatiales et des vaisseaux à propulsion nucléaire sont construits en un
temps record. Moins d’un an après la découverte du microfilm, le puissant groupe industriel Culpepper Motors
annonce la sortie d’un moteur comparable à celui exposé par les Martiens. La Terre retrouve enfin fierté et
espoir. Les Martiens n’on qu’à bien se tenir…
En fait, c’est Franklin Harwood Plummer, le président de Culpepper Motors, qui a monté toute l’affaire.
Il a rassemblé les meilleurs savants, artisans et techniciens du monde pour réaliser les soi-disant objets
martiens. Le professeur Goldman, également à sa solde, a créé de toute pièce une langue martienne imaginaire.
L’ambassadeur de France était aussi dans la confidence, comme le détective Bristol. Pour l’essentiel, c’est par
idéal que ces hommes ont collaboré à cet incroyable projet. La paix règne maintenant sur la Terre unifiée, et
les énormes investissements de Plummer lui seront bientôt remboursés au centuple…
Ce texte étonnant, « The Martian Shop » 7, est dû à la plume d’un écrivain américain plus réputé pour ses
romans historiques et policiers que pour ses quelques nouvelles de science-fiction : Howard Fast. Il est
cependant assez connu en France, pour avoir été publié au moins deux fois, la première sous le titre « Aux
produits martiens » (traduction de Michel Deutsch) dans Fiction n° 75 (février 1960), et la seconde dans
l’excellent recueil Au seuil du futur (Marabout, 1962) sous le titre « Made in Mars » (traduction de Gérard
Colson) 8.
Remarquons certaines analogies réjouissantes avec les affaires « réelles » que nous avons évoquées.
Comme pour les Ummites et les Bâaviens, il est question d’une langue inconnue, présentée comme preuve de
leur existence. C’est la langue inventée de toute pièce par le philologue Goldman qui fera finalement croire à
l’authenticité des Martiens. Le témoignage du scientifique sera déterminant.
Il est également amusant de constater que l’argument classique avancé par les Défenseurs des Ummites,
à savoir qu’il ne peut s’agir d’une mystification (car elle demanderait trop d’effort pour un résultat incertain ou
dérisoire, et de plus serait au-dessus des capacités d’un petit groupe de mystificateurs) est employé par Howard
Fast. L’hypothèse est à écarter, à moins, évidemment, que ces mystificateurs ne soient des savants de haut
niveau, employés par un organisme du genre CIA, prétendent certains défenseurs des Ummites. C’est
effectivement ce qui se produit dans la nouvelle : des savants collaborent à la supercherie, non sous les ordres
de la CIA mais sous ceux d’un puissant groupe industriel. On ne perd rien au change.
Au fond, on peut même se demander si certains des mystifcateurs ummites et de leurs thuriféraires n’ont
pas les mêmes buts que le Plummer de Howard Fast : provoquer l’union de l’humanité par la crainte de
l’invasion extraterrestre ! Voilà une idée assez folle, mais plus séduisante que la théorie à la mode de la CIA se
livrant à je ne sais quelles obscures expériences de manipulation psychologique.
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« The Martian Shop » est très réussi, mais soulève un problème éthique que Howard Fast, pourtant
connu pour ses prises de position progressistes — il se retrouva un moment en prison sous McCarthy, adhéra à
plusieurs mouvements pacifistes et fut candidat de l’American Labor Party en 1952 — n’a pas essayé de
résoudre : est-il légitime de bâtir le bonheur de l’humanité en s’appuyant sur une mystification ?
Theodore Sturgeon, par contre, s’était déjà posé la question plus de dix ans auparavant dans sa nouvelle
« Unite and conquer » 9 que j’évoquerai brièvement…
Le docteur Simmons, savant génial, se désespère : ses plus belles inventions sont systématiquement
transformées en armes secrètes par les autorités militaires. Par contre, cela ne chagrine guère son frère, le
colonel Leroy Simmons, fier de la contribution que le Dr. Simmons apporte de plus ou mois bon gré à la
défense des États-Unis. Le Super-oeil, notamment, formidable fusée espion, devrait donner la suprématie
militaire à son pays.
Mais un événement incroyable va bouleverser le destin de la Terre : un vaisseau spatial d’origine
inconnue, repéré par le Super-oeil, largue une bombe vers la Terre ! Elle explose sans provoquer de victime,
mais l’alerte a été chaude. Et d’autres vaisseaux, que l’on baptise faute de mieux les « Inconnus », font leur
apparition ! La Terre entière se mobilise pour faire face à l’agresseur, de toute évdience extraterrestre. Il faut au
plus vite unir tous les efforts. Les ressources doivent être mises en commun, les injustices combattues pour
améliorer les rendements. Une police internationale est chargée de faire respecter les lois nouvelles et plus
justes.
Les Inconnus passent à l’attaque ! Ils sont repoussés, mais leur attitude dans le combat s’est avérée plutôt
déroutante. Veulent-ils vraiment détruire la Terre ?
Depuis longtemps, le colonel Simmons avait des soupçons. Il est maintenant certain que son frère est un
traître au service des Inconnus. Mais la vérité ne correspond pas tout à fait à ce que le colonel Simmons
supposait. Les vaisseaux des Inconnus ne sont en réalité que des leurres, contrôlés par le Dr. Simmons. C’est
lui qui a tout manigancé pour obliger les nations humaines à faire la paix en s’unissant conter un danger
imaginaire ! Au moment de la prochaine attaque des Terriens contre les Inconnus, un enregistrement sur
cassette du Dr. Simmons sera diffusé, qui révélera toute l’affaire.
Apprenant que le Dr. Simmons n’est pas le traître qu’il ilmaginait, le colonel Simmons se sacrifiera pour
sauver son frère des balles du tueur qu’il avait lui-même commandité pour l’exécuter…
On constate sans peine que « Unite and conquer » anticipe « The Martian Shop » sur l’idée la plus
importante : la crainte de l’extraterrestre fictif qui amènera la paix sur la Terre et favorisera l’unité et le
progrèsde l’espèce humaine ! Mais le complot est ici l’oeuvre d’un scientifique solitaire, ce qui le rend
nettement mois crédible que celui de « The Martian Shop ».
Par contre, Sturgeon n’évite pas le problème moral. La mystification du Dr. Simmons causera, en fin de
compte, la mort de son frère. Et il reste une interrogation : que pensera l’humanité de l’action du savant quand
elle apprendra enfin la vérité ? « Que serai-je pour eux, » se demande le Dr. Simmons penché sur le cadavre de
son frère. « Un saint ou bien le diable en personne ? »
Je voudrais conclure ce modeste survol du problème de la « mystification extraterrestre » et de la
science-fiction sur une citation et une remarque.
La citation est tirée de l’ouvrage de Jean Sider évoqué plus haut, Ultra top-secret, ces ovnis qui font
peur (pp. 9-10). Elle reprend l’extrait d’un discours prononcé par Ronald Reagan à l’ONU :
« Le Président Ronald Reagan : »Dans notre obsession, avec les antagonismes du moment, nous
oublions souvent le liens unissant tous les membres de l’humanité. peut-être avons-nous besoin de quelque
menace universelle extérieure afin que nous puissions mettre ces liens en lumière. J’ai parfois pensé à quel
point les différences de ce monde s’évanouiraient rapidement si nous devions à faire face à une menace
étrangère à la Terre. Encore que je pose la question : cette force étrangère n’est-elle pas déjà parmi nous ?«
« 42e Assemblée générale des Nations-Unies du 21 septembre 1987 (extrait d’un discours tenu à l’ONU,
compte rendu des débats A/42/PV.4, p. 26) ».
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La remarque est qu’il n’y a pas que les ovnis qui font peur…
Notes :
1. KBN n° 4 (p. 42).
2. Science-fiction et croyance : l’affaire Ummo », Études lovecraftiennes n° 11.
3. Chiffre cité dans Ovni-présence n° 47, mai 1992 (p. 3).
4. Un Regard moderne » — 10, rue Gît-le-coeur — 75006 Paris. Librairie spécialisée dans l’underground et possédant un remarquable choix
d’imports.
5. Titre original américain : The Invaders. La série débuta en 1967 et connut 43 épisodes. Pour la petite histoire, rappelons que Philip K. Dick
écrivit le scénario d’un épisode qui ne fut malheureusement jamais réalisé.
6. Cette revue [interrompue en 1995] consacrée à l’ufologie s’est déjà fait remarquer dans les milieux de la science-fiction pour son excellent n°
43-44 en grande partie consacré à la célèbre adaptation radio de La Guerre des mondes par Orson Welles.
7. Paru pour la première fois dans The Magazine of Fantasy and Science Fiction, novembre 1959.
8. Les plus érudits de nos lecteurs savent sans doute que le futur auteur de Spartacus publia une nouvelle de science-fiction, « Wrath of the
Purple », dans le numéro d’octobre 1932 d’Amazing Stories, alors qu’il n’avait même pas 18 ans !
9. Paru pour la première fois dans Astounding Science Fiction d’octobre 1948, et traduit par Mary Rosenthal sous le titre « L’Union fait la force »
dans le recueil Méduse composé par Marianne Leconte (Le Masque « Science-fiction », Librairie des Champs-Élysées, 1978).
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